Il y a là Éma, l’ex-meilleure amie de Charlotte, une trentenaire qui n’a pas froid aux yeux et qui réfléchit au statut de la condition féminine d’aujourd’hui, Gabrielle qui descend directement de son aïeule Gabrielle D’Estrées, Alice et Fred, un génie qui a renoncé après l’ENA et Polytechnique à un poste prestigieux pour devenir secrétaire en entreprise et qui tient un blog qui va vite faire le buzz sur Internet.

Ces quatre là, amateurs d’alcool fort et de discussions acharnées, forment une communauté déjantée répondant au nom bucolique de « morues ».

Mais Charlotte s’est-elle réellement suicidée ou a-t-elle été la victime de diaboliques libéraux à la solde du Ministre de la Culture ? A-t-elle découvert un secret terrible en lien avec la RGPP ? Et Ema va-t-elle s’afficher en couple avec Blester malgré tous ses discours féministes ? Fred va-t-il rencontrer la belle Nénuphar dans la « vraie vie », elle qui semble tellement admirer ses propos sur le blog qu’il a créé au nom de « Persona » ?

Une écriture dynamique au service d’une histoire qui mêle enquête policière dans les rangs de l’UMP ultralibérale, réflexion sur la société d’aujourd’hui, interrogation sur les rapports Homme / femme, place du sexe dans nos vies, et place de l’Internet dans nos vraies vies.  Rien que ça.

Certes les personnages ne sont pas d’une finesse psychologique profonde, que d’aucuns qualifieront de caricaturaux. Mais c’est avec une fraîcheur et une indéniable sincérité que Titiou Lecoq nous parle de tout cela, sans tabou, et sans tomber dans les bons sentiments.
Le tout mené tambour battant par une jeune auteure dont on n’a pas fini d’entendre parler.

Alice-Ange

Extrait :

Ema se réfugia dans un coin de la pièce et s’adossa au mur pour écouter cette discussion d’une oreille distraite. Une discussion entre gens sympas. Un couple et des amies. Ils se charriaient sur leurs compétences culinaires respectives. Il avaient l’air heureux de passer une bonne soirée tous ensemble. Comme elle aurait dû l’être avec Blester. Mais qu’est-ce qui déconnait chez elle ?
Ils parlaient de sujets quelconques d’une manière quelconque. Riaient de bon cœur à des plaisanteries anodines et des jeux de mots faciles. Ils parlaient, ils riaient, ils s’exprimaient tous d’une manière policée et le pire, c’est qu’ils semblaient en jouir. Les éclats de rire n’étaient pas forcés. Même Blester. De son poste d’observation, Ema le voyait se mouvoir avec aisance dans cette normalité qu’elle avait à tel point rejetée qu’elle se sentait désormais incapable d’en mimer les usages, d’en revêtir le costume. En les regardant effectuer ces gestes simples, répondre à ces codes qui, après tout, étaient là pour faciliter l’interaction sociale, elle fut prise d’une peur irrationnelle. En même temps que les battements de son cœur s’amplifiaient, s’énonçait dans son esprit la conviction simple qu’elle était en voie de marginalisation.

Les morues
Les Morues de Titiou Lecoq - Éditions Au Diable Vauvert - 472 pages