Kittur est une ville imaginaire située sur la côte Ouest de l'Inde, dans le Karnataka. La ville est le seul point commun entre tous les textes qui constituent ce livre, qui n'est ni un roman, ni un guide de voyage, ni un recueil de nouvelles, mais un peu tout ça à la fois. Le problème est que sous aucune de ces trois formes il n'est suffisamment convaincant pour me plaire. Les chapitres évoquent successivement différents quartiers de Kittur ; chacun commence par un paragraphe pastichant le style des guides touristiques. On découvre ensuite un personnage vivant dans ce quartier. Au bout d'une vingtaine de pages, on passe à autre chose et à part un ou deux cas anecdotiques, on n'en entendra plus jamais parler.
Pris isolément, aucun chapitre, aussi édifiant soit-il, ne ferait une nouvelle assez intéressante pour être lue indépendamment. Les personnages ont en effet une vie somme toute assez banale (à part peut-être ce journaliste qui devient plus ou moins fou en allant écouter les rumeurs de la ville auprès des veilleurs de nuit).
Le titre original du livre est Between the Assassinations (ce qui correspond à la période entre l'assassinat d'Indira Gandhi en 1984 et celui de son fils Rajiv en 1991). Le titre choisi par l'éditeur français semble plus adapté parce que l'on trouvera très peu de références au contexte en rapport avec ces événements.
Bref, pour moi, Les ombres de Kittur est un exercice d'écriture raté. Comme cela semblait être le projet de l'auteur, il est à signaler que d'autres auteurs indiens ont réussi de bien meilleure manière à rendre compte de la complexité de la société indienne (Vikram Seth dans Un garçon convenable, Sujit Saraf dans Le Trône du paon).
Extrait :
Presque tous les mercredis après-midi, la moto Yamaha du
Bibliobuss'arrêtait devant la maison. Le libraire motard, après avoir sonné à la porte, détachait le casier en métal fixé sur son porte-bagages et le posait à l'arrière de la voiture pour que Mrs Gomes y jette un coup d'œil. Elle parcourait les livres et en sélectionnait deux ou trois. Un jour où elle avait fait son choix, payé ses achats et regagné sa maison, George raccompagna le libraire. Pendant que celui-ci attachait le casier en métal sur sa moto, il lui demande :
Quel genre de livres lit Madame ?Le libraire lui fit un clin d'œil et ajouta :
— Des romans.
Des romans polissons. J'en vois des dizaines chaque jour, des femmes comme elle, dont les maris sont à l'étranger.Il se pencha vers George et chuchota :Ça les démange encore. Alors elles lisent des romans anglais pour se soulager.
Les ombres de Kittur d'Aravind Adiga - Buchet-Chastel - 354
pages
Traduit de l'anglais par Annick Le Goyat.
Commentaires
dimanche 9 octobre 2011 à 11h47
Bonjour,
Voilà qui confirme mes craintes. J'ai lu "Le tigre blanc" il y a quelques mois et c'est une de mes meilleures lectures de l'année. Quand j'ai lu la 4ème de ce livre-ci, j'ai eu des doutes (qui semblent malheureusement être légitimes) et comme je préfère rester sur une excellente impression, je vais passer mon tour.
vendredi 28 octobre 2011 à 09h47
Le Tigre blanc est un livre impressionnant par sa lucidité sur la corruption en Inde. COMMENT SORTIR L'INDE DE LA PAUVRETE ? Le choix du héros de s'émanciper par le crime tient le lecteur en haleine.