Garion est garçon de ferme chez Faldor. Et cet état lui convient très bien.
Il pense très fortement finir sa vie avec la jolie Zubrette au milieu des balles de foin, mais le destin est un sacré enquiquineur.
Voila que du jour au lendemain, Garion se retrouve sur les routes avec ce vieux conteur que tout le monde semble craindre et prendre pour Belgarath, le Sorcier le plus puissant (et accessoirement le plus vieux) du monde.
Et la cuisinière de Faldor, celle qu'il appelait affectueusement Tante Pol, semble être Polgara la Sorcière, une femme hors du commun et fille de Belgarath.
Décidément, tout va mal.
Et ça ne fait qu'empirer lorsqu'il rencontre Silk, un petit homme au visage de fouine et Barak, une sorte de géant des provinces du nord. Et leur troupe ne fait que grossir tandis que la vérité lui apparaît :
Le sort du monde repose sur ses frêles épaules.
Mais que peut faire un simple garçon de ferme, tout juste bon à récurer les casseroles en cuisine et étaler les bottes de foin avec les demoiselles face à la nation Murgo tout entière et à leur terrible dieu défiguré Kal Torak ?
S'enfuir et mourir... Ou mettre toutes les chances de son côté et grandir, assumer le rôle qui est lui dévolu depuis la nuit des temps ?
Fichues prophéties...
Dans le milieu des mondes imaginaires, on ne présente plus le couple Eddings, auteurs de nombreux romans qui ont façonné tout un pan de l'Héroïc-Fantasy et dont l'influence sur les générations futures n'est sans doute pas moindre que celle de leurs aînés. Longtemps annoncé comme le seul auteur de ses histoires, David Eddings reconnaît en 1995 la participation essentielle de sa femme dans son écriture. Il s'agissait de toute façon de l'un des secrets les moins bien gardés de la fiction contemporaine
. Et si lui est à l'origine des histoires, le lecteur doit à Leigh la cohérence des décors et du cadre des histoires, la majorité des personnages féminins et les chutes incisives. Ce qui n'est pas anodin et contribue énormément au plaisir de lecture de leurs ouvrage.
Mais qu'est-ce que La Belgariade ?
Il s'agit d'un cycle de romans en cinq "Chants" narrant les aventures de Garion, simple valet de ferme appelé à une grande destinée. Le pitch est extrêmement simple, et pour être honnête, le cycle n'est pas tant apprécié pour la profondeur de l'histoire que pour le talent de conteur des auteurs et leur humour. A cause du jeu du destin et de Prophéties nébuleuses quant à l'avenir du monde, Garion et son petit groupe va parcourir tout le continent dans une sorte de gigantesque voyage initiatique. Les rencontres seront nombreuses et les occasions d'apprendre innombrables.
L'un des talents des auteurs est d'arriver à gérer une énorme distribution de personnages sans jamais réussir à ennuyer le lecteur, ni même à le perdre (ce qui en soit est une gageure). Les cartes parsemant les ouvrages sont pour beaucoup dans le suivi des aventures et le réalisme des peuples inventés relève presque du travail d'ethnologue.
Le monde de la Belgariade est coupé en deux continents aux proportions titanesques et aux reliefs accidentés.
Le cycle de la Belgariade est un prétexte à l'exploration du premier continent, constitué des Royaumes du Ponant et des Territoires Angaraks.
Chaque territoire est marqué par une géographie spécifique, des noms identifiables immédiatement et un trait de caractère fortement poussé. Ce qui permet d'une part de ne pas perdre tout de suite le lecteur, et dans un deuxième temps de grossir les traits et de faire une légère critique de certains contemporains l'air de pas y toucher... Ainsi les Cherek sont de grandes brutes dans le plus pur style viking alors que les Arendais sont de simples fermiers au pragmatisme exacerbé. Les Drasniens sont de redoutables marchands et les meilleurs espions du monde alors que les Asturiens sont de dangereux écervelés, aussi prompts à se fourrer dans les ennuis jusqu'au cou qu'à jurer une amitié indéfectible.
Le groupe accompagnant Garion dans sa quête est constitué d'un assemblage hétéroclites d'individus provenant des ces différents pays, aux traits si possible encore plus poussé que leurs congénères, histoire d'amener quelques situations cocasses et de compliquer les choses dans les relations du groupe.
L'humour est l'un des facteurs dominants de l'écriture du couple Eddings. Leurs textes sont truffés d'expressions très imagées et évocatrices, de jeux de sonorités, de situations emberlificotées et de répliques satiriques. Les dialogues sont des petits bijoux de réparties cinglantes et de mauvaise foi éhontée. Combien de fois ai-je dû fermer le livre quelques instants, incapable de réprimer un fou rire en imaginant certaines scènes ou lorsque l'image de l'une de ces expressions s'imposait à moi durant la lecture. C'est tout simplement jouissif...
Il est à souligner que les auteurs adorent les intrigues politiques et les états de siège. Ils sont d'ailleurs maîtres dans ce genre de description et n'ont pas leur pareil pour échafauder des théories fumeuses dont leurs personnages font bien évidemment les frais pour notre plus grand plaisir. De ce point de vue, ils se rapprochent de l'écriture de David Gemmell, même s'ils sont loin d'égaler son souffle épique dans la description des combats.
Certains lecteurs chagrins relèveront en point faible le personnage même de Garion, un peu long à la comprenette et qu'ils trouvent relativement agaçant dans son obstination à remettre en cause l'état qui est le sien : être le jouet d'une prophétie qui a scellé sa vie bien avant sa naissance... Honnêtement, si l'on se mettait à la place du garçon, élevé en Arendie, donc né pour être fermier, avec une conception très pragmatique de la vie et une ouverture d'esprit relativement étroite (assez large pour écouter des contes à la veillée, mais pas assez pour y croire), il paraît normal de passer un petit moment à se plaindre, non ? Et peut-être de se poser quelques question existentielles...
Et soit dit en passant, le tout est traité avec suffisamment d'humour pour ça passe tout seul, et ça se transforme même en running gag. Bon, je sais, je suis un public définitivement acquis à ce cycle, et aux autres grands cycles du couple que j'espère présenter plus tard.
Malgré tout, il s'agit d'un monument incontournable de la fantasy "classique" et il serait dommage de passer à côté. Pour un lecteur averti, c'est une lecture de distraction entre deux ouvrages plus conséquents.
Pour un néophyte, il s'agit d'un très bon cycle pour entrer dans les mondes imaginaires dont la lecture marque profondément. Je l'ai lu plusieurs fois et c'est toujours aussi jouissif, malgré quelques longueurs lorsque l'on connaît la fin de l'histoire. Mais ça reste une lecture très distrayante.
À découvrir ou à redécouvrir, juste pour le plaisir de s'esclaffer et de récupérer des expressions bizarre à placer ensuite dans une conversation...
Les cinq chants de la Belgariade :
Chant I : Le Pion Blanc des PrésagesChant II : La Reine des Sortilèges
Chant III : Le Gambit du Magicien
Chant IV : La Tour des Maléfices
Chant V : La Fin de Partie de l'Enchanteur
Extrait :
Extrait du Chant IV : La Tour des Maléfices
Où l'on prend toute la mesure de la bêtise des MurgosTout le reste de la journée, la Forteresse d'Algarie sembla grandir sur l'horizon occidental. C'était une immense citadelle fortifiée, dressée sur les collines dorées
— Un monument à la démesure de l'idée qui l'a érigé, murmura Silk d'un ton rêveur.
— Comment cela ? fit Durnik.
— Les Algarois sont des nomades, expliqua le petit homme, vautré sur le toit de la voiture. Ils passent leur vie à suivre leurs troupeaux dans des voitures pareilles à celle-ci. La Forteresse n'a qu'une seule utilité : fournir aux vandales murgos un abcès de fixation. Comme ça, ils viennent toujours l'attaquer, et le coin se prête assez bien à leur élimination. C'est nettement plus pratique que de leur courir après dans toute la prairie.
— Les Murgos ne s'en sont jamais rendu compte ? s'étonna Durnik.
— C'est possible, mais ils ne peuvent pas s'empêcher de revenir. Ils n'arrivent pas à admettre que personne n'habite vraiment là. Vous savez à quel point les Murgos peuvent être cabochards, fit Silk avec un de ses petits sourires carnassiers. Enfin, avec les années, les clans algarois en ont fait une sorte de compétition. D'année en année, ils essaient de se surpasser par la masse de roches transportées, et la Forteresse ne cesse de grimper, encore aujourd'hui.
— Kal-Torak l'a vraiment assiégée pendant huit ans ?
— On dit que son armée faisait comme une mer sans cesse recommencée, dont les vagues se seraient brisées sur les murailles de la Forteresse, répondit Silk. Les Angaraks seraient encore là s'ils n'avaient par fini par manquer de nourriture. C'est toujours le même problème avec ces gigantesques armées. N'importe quel imbécile peut lever une armée — jusqu'à l'heure du dîner, et puis les ennuis commencent.
La Belgariade de David & Leigh Eddings - Éditions Pocket - 5 tomes
Traduit de l'Anglais par Dominique Haas
Commentaires
jeudi 6 octobre 2011 à 10h23
Les Eddings sont une référence, c'est sûr.
Par contre, je me suis arretée à la fin du 3e tome car bien que ce soit de la fantasy "classique" (traditionnelle ?) j'ai eu beaucoup de mal à comprendre comment un peuple ne peut évoluer au fil des milliers d'années... Et un pays par livre, cela m'a fatiguée aussi bien que l'humour soit présent. J'avoue aussi que j'ai fait THE erreur : j'ai lu les préquelles avant (même si on me l'avait déconseillé)
jeudi 6 octobre 2011 à 17h44
Je prends ce livre en note, car je me prépare une liste de choix potentiellement intéressant. Ensuite, viendra une seconde sélection. J’ai un projet : monter une bibliothèque très variée et pour tous les goûts... j’ai la famille à combler. Merci d’écrire ce blog.
samedi 5 novembre 2011 à 10h38
Je le conseille, c'est vraiment très plaisant, très bien traduit en français j'ai trouvé (beaucoup de richesse de vocabulaire), bref, la forme est très chouette, l'humour apporte beaucoup à l'histoire et on se laisse balader avec énormément de plaisir.
D'ailleurs, je pense que je vais le relire, ça commence à faire quelques années !
mercredi 8 février 2012 à 16h47
Je découvre ce blog avec cette présentation, qui me rappelle comme j'ai aimé La Belgariade et son pendant la Mallorée ! Merci, pour m'avoir donné envie de le relire !
vendredi 17 août 2012 à 09h33
J'ai essayé 3 fois de lire le seigneur des anneaux et 3 fois j'ai du arrêter, aussi efficace qu'un somnifère. Pour la Belgariade c'est tout le contraire. J'ai lu et relus tous les tomes de cette saga avec un immense plaisir. David Eddings disait "Si le lecteur lit les 100 premières pages alors je le tiens" Il avait raison, j'ai commencé a lire le tome 1 l’année de sa première édition (1984 en France), et c’était une véritable torture d'attendre un an pour lire le tome suivant.
vendredi 17 août 2012 à 19h35
Bonsoir JC,
Je suis entièrement d'accord avec Eddings. Les 100 premières pages se lisent très bien et l'animal sait s'y prendre pour ferrer son lecteur
Et comme je te comprends pour l'attente. J'ai les mêmes problèmes actuellement en BD et avec les séries Fantasy que je suis. C'est dur...
Concernant le Seigneur des Anneaux, on conseille généralement à ceux qui le commencent sans être des passionnés de l'univers créé par Tolkien de sauter les 80 premières pages (Concerning Hobbits) et de commencer directement avec l'anniversaire de Bilbon. C'est vrai que le début est rude et je comprends qu'on ait du mal à s'accrocher. Si tu as fureté un peu sur ce site, tu as sans doute trouvé cet article : http://www.biblioblog.fr/post/2007/...
Il s'agit d'une analyse amateure, qui vaut ce qu'elle vaut, mais qui a, je pense, le mérite de raccrocher le lecteur à cette œuvre. Après, si vraiment ça ne marche pas, ben j'aurais tout essayé :p
Sinon, je te conseille de lire Bilbo le Hobbit quand même. Ce n'est pas du tout le même style d'écriture (conte pour enfants ici, alors que le Seigneur des Anneaux est réservé à un public déjà adulte) et c'est peut-être plus agréable.
Et puis, tant qu'à en bouffer à Noël avec la sortie du premier film (que j'attends avec impatience... qui en doutai ?), autant commencer de suite.
Merci pour ton commentaire et à bientôt sur ce site !