Alvaro, le narrateur, est intrigué par la présence d’une superbe jeune femme. Qui est-elle ? Pourquoi est-elle là ? Il est d’autant plus surpris que personne n’y a prêté attention. Bien vite il comprendra que Raquel n’est pas venue par hasard. Malgré le mystère qui entoure la jeune femme, Alvaro va être rapidement subjugué par son charme et ne peut que céder à cette attirance.
Nous découvrirons bien vite que le père d’Alvaro a toujours été proche des franquistes. Sa réussite sociale a été spectaculaire. Issu d’un modeste milieu, son père Benigno était très proche des nationalistes et de l’église et sa mère Térésa était une figure charismatique du parti républicain dans son village. Comment a-t-il négocié la guerre civile ? comment est-il passé à travers les mailles du filet où sont tombés tant d’autres ? comment expliquer sa présence dans la division azul ? Alvaro va découvrir au fur et à mesure le passé de son père qui n’a pas été cet homme aussi bon, aussi respectable qu’il croyait.
Raquel est la petite fille d’une famille de républicains convaincus, obligés de s’exiler en France, qui ont matériellement tout perdu et qui sont rentrés en Espagne après la mort de Franco.
Comment ces deux êtres que le passé déchire vont-ils pouvoir faire triompher leurs sentiments et arriver à se construire un avenir, est la question de fond que pose Almuneda Grandes dans cette fresque qui nous relate l’histoire de l’Espagne de 1936 à nos jours.
Faut-il effacer de la mémoire collective des événements trop douloureux pour que nos enfants puissent vivre ensemble en parfaite harmonie ? C’est me semble-t-il encore un défi pour l’Espagne d’aujourd’hui.
Malgré le nombre de pages conséquent, une fois passée la difficulté des doubles noms hispaniques, ce roman se lit très facilement, l’écriture en est aisée et fluide (merci à la traductrice). J’ai beaucoup appris sur cette période de l’histoire et vous recommande vivement ce texte récompensé par le prix Méditerranée en 2008.
Sylvaine
Extrait :
« Dis, Maman qui était cette fille qui est arrivée à la fin ? »….
« Quelle fille ? »….
« Eh bien, une fille… À peu près de l’âge de Clara, assez grande, les cheveux châtains, longs et lisses. Elle est arrivée en voiture, à la fin. Je l’ai vue entrer, elle est restée près de la porte. Elle portait un pantalon, de grosses lunettes de soleil et un manteau en cuir fourré. Vous ne l’avez pas vue ? »
Personne ne l’avait vue. Elle était entrée au cimetière d’un pas lent, marchant soigneusement pour éviter que ses talons hauts ne s’enfoncent dans la terre. Pourtant, elle ne semblait pas s’en soucier, car elle ne regardait pas le sol, ni le ciel, elle regardait devant, ou plutôt, elle se laissait regarder. Elle foulait l’herbe clairsemée, aplatie, parsemée de pierres, comme si elle s’avançait sur un tapis rouge sous la lumière des projecteurs Elle semblait arriver d’ailleurs et se diriger vers un lieu très différent, car il y avait quelque chose dans son attitude, dans sa façon de bouger, d’accompagner ses foulées du rythme souple de ses bras, les épaules souples, dégagées, qui contrariait une norme universelle. Celle d’une timidité forcée, inconsciente mais inévitable, voire légèrement théâtrale, qui unit les personnes qui assistent à un enterrement même quand elles n’ont pas connu le défunt
Le Cœur glacé de Almudena Grandes - Éditions Le livre de Poche - 2 Tomes
Commentaires
jeudi 20 octobre 2011 à 16h07
Un beau roman, en voutant et intéressant!
vendredi 21 octobre 2011 à 17h44
Mon roman préféré d'Almudena Grandes.
lundi 2 avril 2012 à 09h11
Moi aussi, j'ai beaucoup appris. Cette Espagne rêvée par les exilés, qui leur était encore si hostile à leur retour 20 ou 30 ans après, qu'a-t-elle à voir avec celle qui était un des terrains de vacances préférés des Français ? Et l'amertume de ces combattants espagnols aussi clandestins en France que chez eux, qui ont donné leur forces et leur conviction à la lutte contre les nazis pendant la deuxième guerre mondiale en espérant que main-forte leur serait prêtée ensuite pour renverser la dictature franquiste, et qui n'ont rien vu venir.
La déchirure au sein de nombreuses familles qu'elles ont tenté d'enterrer dans le silence, et le mensonge parfois.
Un livre dense - j'ai lu quelque part qu'il fallait établir un arbre généalogique des personnages, au fur et à mesure de la lecture et je regrette de ne pas l'avoir fait - remarquable pour ce portrait d'une Espagne authentique mais cachée, encore douloureuse, dont les touristes ne peuvent pas avoir idée.
Merci Sylvaine, d'avoir attiré mon attention. Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur jusque-là.
mercredi 18 avril 2012 à 16h45
c"est bien tard que je vois ce commentaire Sylvie et je suis ravie que ce livre ait pu t'apporter un plus sur cette période non encore soldée de l'histoire de l'Espagne