Khalid Al Firas pour promouvoir ses magasins, les Arab Malls, a imaginé un jeu concours dont les gagnants devraient obligatoirement être de nationalités différentes. Chacun des 7 gagnants embarque donc sur l'Arche pour une croisière le long du détroit d'Ormuz. Ils sont accompagnés par Khalid, bien sûr, mais aussi par le narrateur du récit, un jeune Français, fraîchement arrivé à Dubaï après quelques années passées à Djeddah à la tête d'une entreprise florissante. Aujourd'hui ses désirs ont changés, il souhaite se consacrer pleinement à la photographie. Khalid Al Firas lui demande donc de faire un reportage photographique de son arche moderne. Malheureusement, un terrible événement va modifier irrémédiablement le cours des choses.

Au cours des deux premiers chapitres, le narrateur raconte son arrivée au Moyen Orient, sa découverte des mœurs locaux, le courage de certaines femmes décidées à conquérir leur liberté, son amour nouveau pour la photographie, etc. Au fil des pages et du temps, on le suit jusqu'à l'embarquement à bord de l'Arche. Et puis, tout s'arrête. De l'événement en question, on ne sait rien même si l'on se doute de son caractère exceptionnellement grave. Le narrateur rencontre alors chacun des passagers et tous lui racontent leur vie jusqu'à cet instant fatidique.

On commence avec Khalid, l'entrepreneur dont le père n'était qu'un simple pêcheur de Dubaï. Avec lui, c'est toute l'histoire de Dubaï qui s'écrit sous nos yeux et en premier lieu la rapidité avec laquelle cette petite ville s'est construite pour devenir l'un des lieux incontournables du Moyen Orient.
Et puis on entend Christophe, un autre français expatrié, architecte de profession, qui a bien du mal à intégrer les codes et les non-dits entre hommes et femmes. Il y a aussi Samana, la Pakistanaise, qui espérait tant ne pas commettre les même erreurs que ses parents ; Toni le Libanais, qui semble tout prendre à la légère mais dont le tableau de chasse cache une douleur profonde ; Sharon, l'Américaine ayant quitté son pays pour les beaux yeux d'un bel Émirati ; Saeed, le Saoudien, que les non-dits et la honte ont perdu à  ; la belle iranienne Ghamzeh dont les yeux rendent fous tous les hommes qui croisent son regard.

Les meilleures intentions du monde n'est donc pas le récit d'un homme mais de toute une communauté vivant dans la même ville. Il y a donc d'abord cette description de Dubaï, une cité hors norme, avec une volonté de sortir du désert et de conquérir le monde, de devenir une nouvelle oasis de luxe et de volupté. Mais cet essor ne se fait pas sans mal et l'on comprend à travers le récit de Gabriel Malika que les strates et les castes sont extrêmement présentes. Ainsi, à chaque corps de métier correspond une communauté ethnique et il est très difficile d'en sortir. A travers les témoignages des passagers de la croisière, on retrouve également un certain nombre de récurrence : la condition des femmes, la répression sexuelle, le poids de la religion, etc. Ce qui m'a marqué c'est ce mélange de frustrations, de mélancolie et pessimisme. Finalement, chacun des personnages du récit est arrivé à un point extrême de son existence, et seul une grande catastrophe pouvait venir bouleverser le cours de leur destin. Cette catastrophe sera bien sûr dévoilée sur la fin du roman, mais elle n'est finalement pas un élément déterminant de l'intrigue. Je garderai surtout en mémoire les destins singuliers de ces hommes et de ces femmes qui espéraient tous un avenir meilleur dans cette ville aux mille promesses.

Si le style n'est pas inoubliable, l'écriture est suffisamment fluide pour que l'on s'attache aux propos de l'auteur. Et comme Les meilleures intentions du monde est un roman intriguant et même parfois dérangeant, il vous accompagnera bien après la fin de votre lecture.

Du même auteur : Qatarina

Laurence

Extrait :

Peut-être parce que j'avais le double rôle d'observateur et d'acteur du drame qui allait se jouer ?
Peut-être parce que j'inspirais confiance aux passagers et qu'ils m'avaient choisi pour raconter leur histoire ? Peut-être parce que je travaillais pour Khalid Al Firas et que cet emploi me donnait un statut officiel, une vraie légitimité ?
Pour toutes ces raisons, je fus l'homme qui, peu après les événements, eut le droit et la chance de s'entretenir avec chacun des passagers; à une exception près.
Je pus écouter leur histoire, faire le récit de leur vie à Dubaï avant le drame.
Car peut-être leur présence à bord n'était-elle pas un hasard.
Peut-être existait-il un lien indicible entre ces hommes et ces femmes ?
Je devais tenter de le comprendre et pour ce faire il n'y avait qu'un moyen, les écouter.
J'étais un photographe, je devins écrivain.

Les meilleures intentions du monde
Les meilleures intentions du monde de Gabriel Malika - Éditions Intervalles - 300 pages