Pas de policier dans ce polar, ni même de détective, mais un vieux tueur à gages affichant 33 meurtres à son tableau de chasse et qui aurait aimé qu'on l'oublie un peu. Histoire de voir s'il était capable de se construire une petite vie toute simple, sans histoire, avec une jolie femme dont il serait tombé éperdument amoureux et avec qui il aurait fini sa vie. La femme, d'ailleurs, il l'avait trouvée. Certes, un peu bourgeoise à première vue, mais à son âge Jon sait que la vue baisse, et il s'aperçoit bien vite que son premier jugement était un peu hâtif. Le voilà prêt à roucouler et à savourer pleinement une retraite bien méritée. Sauf que... chassez le naturel... vous connaissez la suite.

Notre brave Jon se retrouve donc, bien malgré lui, à devoir réactiver son réseau pour mettre le grappin sur le mec de sa voisine. Mais ayant croisé le matin même dans le bar PMU de Largos un ancien co-équipier, Jon se fait peu d'illusions sur les chances de retrouver le pêcheur vivant. Deux vieux tueurs à gages sexagénaire dans une petite cité balnéaire, voilà qui semble trop improbable pour être réellement le fruit du hasard...

L'originalité de ce roman tient bien sûr à la nature même de son narrateur. En effet, s'il est fréquent de retrouver dans la peau du héros, un pauvre type qui n'avait rien demandé à personne, le tueur professionnel à la retraite est une catégorie pour le moins surprenante. Cela donne au récit une ambiance très particulière et savoureuse. Frantz Delplanque a créé ici un personnage singulier et ô combien sympathique. Certes, les références omniprésentes à la culture rock underground peuvent parfois paraître un peu inutiles tant elles sont pointues - et donc incompréhensibles pour le commun des mortels -, mais elles collent parfaitement au personnage. Si Jon a des manies et des principes, il a surtout une grande gueule. En fait, il y a un peu de J-B Pouy dans la gouaille de ce vieux gangster. Sans jamais se départir d'une ironie cinglante, Jon va rapidement retrouver ses bonnes vieilles habitudes, et sa façon plutôt originale d'enquêter a de quoi séduire.

De l'intrigue, je ne vous en dirai pas un mot de plus. Sachez simplement que si le méchant est rapidement identifié, Du son sur les murs vous réserve plus d'un rebondissement.

Et puis, je ne peux conclure ce billet sans évoquer la géographie dans laquelle se déroule le roman car Frantz Delplanque a apparemment pris un réel plaisir à décrire les paysages basques : de l'océan à l'arrière pays, c'est une nature sauvage et rebelle qui s'offre aux yeux du lecteur et cela donne diablement envie d'aller passer quelques jours de vacances dans ces superbes contrées. À condition évidemment, de ne pas croiser de Jon Ayaramandi en chemin...

Laurence

Extrait :

Finalement mes activités de tueur ne s'étaient interrompues que trois mois.
La faute à pas de chance.
Nul ne peut échapper à ses aptitudes profondes, elles s'exercent là où elles doivent s’exercer. Prenez un médecin par exemple : où qu'il aille, il peut peut être sûr de tomber sur un accident, un malade qui fait une crise ou un enfant qui a avalé une arrête de travers.
En attendant, j'avais commis un trente-troisième homicide. J'étais passé du statut de professionnel à celui d'amateur, certes, mais je me retrouvais à nouveau sur la mauvaise pente. Est-ce que j'étais comme tous ces retraités qui ne peuvent s'empêcher d'exercer une activité bénévole dans leur domaine de compétence ? Je n'en dormis pas de la nuit.

Du son sur les murs
Du son sur les murs de Frantz Delplanque - Éditions du Seuil - 392 pages