Ascension est le récit d'une sortie dans les Alpes. La cordée est composée de deux hommes, alpinistes amateurs de bon niveau, sans pourtant être professionnels. Ils sont équipés, motivés et partent tôt le matin pour aller à la conquête du glacier surplombant le village d'où ils ont admiré « Le grand navire » de rocs formé par les pics convoités. Ils montent par les sentiers mais dès la première nuit dans le premier refuge, les conditions météo changent. Le projet ne va pas être aussi simple qu'espéré initialement. Comme très vite en montagne, les conditions climatiques révèlent un peu plus les caractères. Si Johann décide d'abandonner, Ull, parce que plus chevronné, résistant face à la difficulté que son camarade, persiste à affronter le glacier et le sommet. Mais n'était-ce pas aller contre toute prudence ?

La montagne était à lui, ou plutôt, il était à elle, qui l'entourait, le cernait, chatoyante sous l'éclat tout puissant du soleil et se figeant au sein des ténèbres.

De cette course, il ne faut pas oublier un autre personnage tout aussi important, si ce n'est plus : la montagne. Avec ses alpages bucoliques, son glacier éblouissant, ses pics aux reliefs fantastiques, elle est magnifiée par L. Hohl. La montagne mène la course et le roman dans toute sa beauté minérale, ses verticalités immenses. Je ne sais si l'auteur était alpiniste mais il semble parfaitement connaître le sujet.

Tout cela est porté par une écriture minutieuse, blanche, très sobre, très visuelle. Comme si L. Hohl photographiait une scène, un paysage puis zoomait sur différents plans de plus en plus précis. On entre dans le paysage, le coeur du grimpeur, ses pensées profondes, ses rêves. La frontière entre le réel et l'onirisme est bien fine sous les effets combinés du vent glacial, de la fatigue, des dangers nombreux.

Le texte est agrémenté d'illustrations noires&blanches bien contrastées de Martin Tom Dieck, disposées judicieusement entre les courts chapitres, lui offrant là un bel écrin. Les éditions Attila soignent toujours leurs publications avec une certaine originalité et un brin d'humour. Ce qui fait de ces ouvrages de beaux objets au service du texte.

Ascension est une belle parabole sur la volonté, sa force mise en œuvre pour atteindre le but. Que l'on soit alpiniste ou écrivain.

A lire bien lové dans sous couette.

Dédale

Extrait :

Glacial était le vent : quant au temps, on ne pouvait pas dire qu'il était beau ! D'épais nuages, virant vers le gris et le bleu-noir, planaient bas dans le ciel  tout autour, les pentes austères dont les détails gagnaient en acuité à vue d’œil, formaient au premier plan une masse de bronze, s'échappaient sur les flancs dans l'espace inconcevable des profondeurs et des lointains, et se perdaient vers le haut dans les replis grisâtres d'une brume fuligineuse, pas une perspective ne s'ouvrait librement vers les sommets, et pourtant, tout attendait là-haut : le roc, le glacier et les crevasses, les cheminées obscures, les terribles tempêtes et les efforts monstrueux…
On voyait seulement, à la verticale, des lambeaux de ciel pâles et minables, piqués d'une étoile amoindrie  la masse noire de la montagne, emportée par le bouillonnement de ces nuées formidables, atteignait d'invraisemblables altitudes  là-haut, pas une crête sur un fond de ciel clair dont les pointes libres ne se détachent comme un appel : gigantesque, le corps de pierre de la montagne gisait là, conjugué avec l'éternité, l'univers était une chaudière fumante, terrifiante, inhumaine, et la voix d'Ull était la seule à appeler.

Ascension
Ascension de Ludwig Hohl - Éditions Attila - 182 pages
Traduit de l'allemand par Luc de Goustine et illustré par Martin Tom Dieck.