Depuis des années, Alice et Jules ont leur petit rituel pour commencer leur journée. Chaque matin, tandis qu'Alice paresse au lit son mari prépare le café avant de dresser la table du petit déjeuner. Tout est bien réglé. Tout tourne comme une pendule suisse. Puis vers 10 heures, David vient partager les jours de vacances une partie d'échec avec celui qui appelle Monsieur Jules. C'est une demi-heure, pas plus pas moins !
Sauf qu'un beau jour, la donne change, plus rien ne tourne comme d'habitude. Le café est prêt, Alice se lève et trouve son époux assis dans le canapé du salon. Mort.
Voilà, le décor est planté. L'intrigue est engagée. Et le lecteur de se demander comment Alice et David vont réagir à cet imprévu. Car pour Alice, la mort de Monsieur Jules avait été imaginée ensemble d'une toute autre manière. Quant à David, son besoin de sécurité via des rituels scrupuleux ne va-il pas être pour le moins perturbé ?
Je cesse là ma présentation car tout vous dire serait un véritable crime. Juste peut être ajouter que ce petit roman est tout simple par son approche, doux, plein de tendresse et surtout plein de vie. C'est une histoire que l'on lit avec une grande curiosité, un doux sourire aux lèvres, plein d'empathie pour Alice et David. A la fin, on est toujours dans l'appartement du 6ème étage. La vie continue et tout va bien.
Un tout petit livre mais assurément un très agréable moment. A lire absolument.
Dédale
Extrait :
l avait neigé. Alice regarda par la fenêtre et vit la rue étinceler de blancheur. Elle jeta son peignoir bleu sur ses épaules, pour tenter d'emprisonner dans le tissu-éponge toute la chaleur du lit. Elle serra la ceinture à sa taille et enfonça ses mains dans les poches. A la lueur jaunâtre d'un réverbère, Béa, la voisine en bas, déblayait le trottoir devant l'immeuble.
« Quelle bosseuse », pensa Alice.
Elle resta là, à écouter le bruissement et le raclement alternés du balai et de la pelle, puis une fanfare, dans le lointain, qui ne se rapprochait pas. Elle frissonna et se laissa guider par l'odeur du café.
« Il a neigé, Jules », dit-elle dans la nuque de son mari qui dépassait du dossier du canapé. D'ordinaire, il l'attendait dans la cuisine, à une table dressée selon un schéma bien défini. Jules ne répondit pas, ce qui lui arracha un sourire. Il devait fixer la neige d'un regard mélancolique, pensant à jadis, à l'époque où il y avait encore de vrais hivers. Glacials et âpres. Lentement elle s'approcha, freinée par ses genoux raides. D'un geste impulsif, elle laissa atterrir sa main sur les cheveux clairsemés. Posant ses pieds un à un, elle contourna le canapé de cuir et s'assit à côté de son mari. Qu'il ait dérogé à son propre règlement intérieur pour s'imprégner, à travers le mur de verre, du paysage de neige la mettait dans de bonnes dispositions. Ça lui valait même une liberté imprévue. Elle ne serait pas contrainte de s'atteler aussitôt à la tâche.
Elle se glissa plus près de lui, et sentit la chaleur de son épaule contre la sienne. Elle pencha un instant la tête sur le côté, jusqu'à ce que le tissu rugueux de son veston lui chatouille la joue.
« Il fait clair et sombre à la fois », dit-elle en souriant à leur reflet dans la grande fenêtre.
Jules ne répondit pas. Il resta immobile à côté d'elle, les mans sur le pli bien marqué de son pantalon. A la cuisine, elle entendit s'écouler les dernières gouttes de café dans la verseuse, puis le final de jets de vapeur et de soupirs de la machine. Dans le silence bruyant qui suivit, la réalité s'imposa à elle.
« Jules ! »
Une journée avec Monsieur Jules de Diane Broeckhoven - Éditions Nil - 109 pages
Traduit du néerlandais par Marie Hooghe.
Commentaires
mardi 13 décembre 2011 à 14h08
Vendu! Autrement dit, acheté. Je brule de l'ouvrir. Merci Dédale.
mardi 13 décembre 2011 à 15h39
De rien Gatsby. J'espère que cette histoire toute simple et si particulière te plaira autant qu'à moi.
On compte sur toi pour nous dire tes impressions en fin de lecture. A bientôt.
vendredi 30 décembre 2011 à 09h36
Court mais délicieux roman, lu d'une traite lors d'un petit matin d'insomnie. Avec en point final (point d'orgue) l'alléchante arôme d'un café frais bien serré.