Diana Blanco est le meilleur agent de la police madrilène. Sa maîtrise de masques et des philiques est admiré de tous les appâts et redouté des criminels. Pourtant, Diana Blanco pense à prendre une retraite anticipée. Mais les crimes abjects du Spectateur et l'entêtement de sa sœur à vouloir prendre la relève va l'obliger à reporter ses projets de repos bien mérité.

Mais qu'est qu'un appât ? Que sont les masques et les philia ? Et le psynôme ?
Nous qui pensions contrôler nos émotions et tomber amoureux d'une personne grâce à sa personnalité ou son physique, nous serions finalement seulement soumis à la puissance de notre psynôme. Réveillé par un geste, une couleur, un décor, il dicterait nos moindres faits et pensées. Si chaque être humain a donc un psynôme, chacun réagirait différemment en fonction de sa philia, c'est à dire ses fantasmes. Les appâts sont formés pour reconnaître nos philias et ainsi réveiller nos psynômes. Armés de cette clé, ils revêtent des masques sensés exciter notre subconscient pour mieux nous hypnotiser. Ô rassurez-vous, les appâts ne s'attaquent pas à monsieur et madame tout le monde. Non, ils sont les appâts humains des criminels. De frêles brebis livrées aux pires prédateurs. Mais le plus terrible d'entre eux, celui que l'on appelle le spectateur, semble réussir à déjouer tous les pièges tendus.

Comme dans ses précédents romans, José Carlos Somoza explore un thème qui lui est cher : le Verbe et le langage du corps. Pour appuyer sa théorie du psynôme, José Carlos Somoza revisite l'œuvre de Shakespeare. En effet, le dramaturge anglais aurait réussi à déchiffrer les différentes philia et toute son œuvre ne serait qu'un message codé pour pouvoir transmettre ce savoir particulier. Tout le roman est donc traversé par l'œuvre de Shakespeare et José Carlos Somoza nous invite à ré-étudier nos interprétations d'œuvres que nous pensions pourtant bien connaître.

Mais au-delà de l'hommage continu au dramaturge de génie, L'appât est un thriller implacable et délicieusement malsain. J'ai retrouvé ici ce qui m'avait tant plu dans La dame n°13 ou Clara et la pénombre. Cet art de jouer avec nos nerfs et nos peurs primales ; cette façon de nous maintenir dans une atmosphère oppressante, dans un décor à la fois familier et futuriste. L'appât est tout à la fois un thriller, un roman fantastique et un récit d'horreur au rythme soutenu. Un grand José Carlos Somoza que l'on imagine parfaitement porté sur grand écran.

Du même auteur : La théorie des cordes, La dame n°13, Clara ou la pénombre, Daphnée disparue, La bouche, Le détail, La clé de l'abîme

Laurence

Extrait :

Les scènes de théâtres des appâts sont semblables à des plateaux de télévision : décors ouverts, lumières et même caméras, et les répétitions se font en public. Il en est ainsi parce que nous les appâts sommes très dangereux et il n'est pas recommandé que quiconque, pas même un préparateur, s'enferme dans une pièce pour travailler avec l'un de nous. L'accès au souterrain où se trouve les scènes est donc interdit au personnel étranger à la Psychologie criminelle.
Le cas d'Alvarez était cependant comme sa propre philia ; ambigu. Il représentait notre lien avec l'Interieur et, théoriquement, personne ne pouvait lui défendre l'accès à un théâtre. Il avait en outre visité les scènes lors de précédentes occasions et connaissait le risque de regarder un appât fixement pendant une répétition. C'était donc un simple hasard. Les pêcheurs remontent parfois des boîtes de conserve ou des chaussures au lieu de poissons, et nous les appâts nous accrochons sans le vouloir.

L'appât
L'appât de José Carlos Somoza - Éditions Actes Sud - 410 pages
Traduit de l'espagnol par Marianne Millon