Très solitaire depuis la mort de sa femme, le docteur Starks est un psychanalyste bien établi, à la cinquantaine tranquille. Il ne comprend donc pas qui peut bien le menacer ainsi et se demande tout d'abord s'il ne s'agit pas d'un mauvais canular. Quelques coups de fils aux membres de sa famille (qu'il n'a pas vus depuis plus de 20 ans) lui confirment que la menace est malheureusement on ne peut plus sérieuse.

Mais comment trouver l'identité de son maître chanteur ? Est-ce un ancien patient ? Starks en doute. Même s'il en a eu beaucoup au cours de sa carrière, il ne reconnaît aucun d'entre eux dans la façon de s'exprimer. Et pourtant, il va bien falloir qu'il trouve... et vite… très vite.

L'Analyste est un très bon thriller et ce à plus d'un titre.
Le choix du narrateur est une vraie bonne idée et John Katzenbach l'exploite pleinement dans son récit. Cela permet tout d'abord de renouveler le genre et le lecteur habitué à voir évoluer des flics ou des détectives appréciera ce changement de focale. D'autant qu'il ne s'agit pas là d'un simple prétexte. Ici, le métier du personnage principal est au cœur de l'intrigue. Non seulement Starks doit replonger dans les dossiers de ses anciens patients et s'interroger sur sa pratique, mais c'est toute sa personnalité, son entité de psychanalyste, qui vacille avec l'arrivée de cette lettre. De passif, à l'écoute des autres, Starks va devoir aller contre sa nature et passer à l'action s'il ne veut pas aboutir à la négation de tout ce qu'il a défendu jusque-là. En effet, il y a-t-il pire aveu d'échec pour un psychanalyste que son propre suicide ? Les bouleversements que cela induit chez Starks sont très intéressants et finement amenés par l'auteur.

L'autre qualité de ce roman est son découpage en trois actes. Cela permet à l'auteur de traiter ainsi des thématiques finalement assez différentes sans jamais pour autant perdre perdre le fil de son intrigue.
Ainsi, on assiste dans le premier acte à la descente aux enfers du psychanalyste qui va perdre en moins de 15 jours tout ce qu'il avait construit en une vie. Page après page, on découvre fasciné l'incroyable machination mise en place et à chaque fois que l'on se dit que le pire est venu, John Katzenbech prend un malin plaisir à nous démentir.
Dans le deuxième acte c'est la question de l'identité et de la personnalité qui est au cœur du récit. Et là encore, l'auteur mêle avec beaucoup d'habileté les scènes d'actions et les monologues intérieurs de son protagoniste, ce qui offre une intrigue plus profonde qu'une simple accumulation de rebondissements.
Il faudra donc attendre le troisième acte pour que tout se dénoue enfin.

Il est évidemment difficile d'expliciter tout l'apport de ce découpage car cela m'obligerait à dévoiler certains éléments de l'intrigue. Or la construction du récit, la façon dont John Katzenbach pose ses pions les uns après les autres, est une autre grande qualité de ce roman.

L'analyste est un thriller haletant et, chose rare, la fin est tout aussi machiavélique que l'ensemble du roman. Voilà en effet un livre que l'on ferme avec le sentiment que le dénouement est à la hauteur de ce qui l'avait précédé.

Laurence

Extrait :

Alors voici le jeu auquel nous allons jouer. Vous avez exactement quinze jours, à compter de demain matin, six heures, pour découvrir qui je suis. Si vous réussissez, vous passerez une de ces minuscules annonces, sur une colonne, qui sont en bas de la une du New York Times. Vous y inscrirez mon nom.
Si vous n'y arrivez pas… eh bien, voilà la partie amusante de l'affaire. Vous verrez que j'ai inscrit sur la feuille jointe à cette lettre les noms de cinquante-deux membres de votre famille. Ils sont classés par ordre d'âge, depuis le bébé de votre petite nièce, qui a à peine six mois, jusqu'à votre cousin, le spéculateur financier et capitaliste d'exception, qui est aussi sec et ennuyeux que vous. Si vous n'êtes pas capable de passer l'annonce comme décrit plus haut, vous aurez le choix. Vous vous tuez immédiatement ou je détruis un de ces innocents.

L'analyste
L'analyste de John Katzenbach - Éditions Pocket - 659 pages
Traduit de l'anglais par Jean Charles Provost