Si vous cherchez une biographie de Virginia Woolf qui conte par le menu les détails de son existence, autant vous le dire tout de suite, La double vie de Virginia Woolf ne répondra pas à vos attentes. En effet, Geneviève Brisac et Agnès Desarthe ont fait le choix clair et assumé de délaisser la chronologie pour privilégier les entrées thématiques, focaliser leurs regards sur l'écrivain et non sur sa vie intime. Bien sûr, les deux étant liés, il ne saurait être question de traiter l'un sans aborder l'autre, mais c'est bien à travers les écrits (romans, essais, correspondances) que Geneviève Brisac et Agnès Desarthe ont choisi de construire leur récit.
Chaque chapitre mêle les citations de Virginia Woolf et les analyses qu'en font les deux romancières françaises. Cela donne à l'ouvrage un ton tout particulier : La double vie est donc un texte sur et avec Virginia Woolf. Pas une page où l'on n'entende pas le phrasé si singulier de la romancière britannique. On avance donc aux côtés de trois voix féminines qui nous parlent de construction narrative, de quête littéraire, de l'écrivain et de son rapport au monde, des liens entre la peinture et la littérature, etc. On (re)découvre aussi l'humour féroce de Virginia et l'on aimerait que se concrétise cette exposition des portraits de la romancière. On perçoit aussi, malgré la dépression qui menace, un goût intense pour le bonheur. On devine, derrière le masque, un femme non pas hautaine comme on a pu le dire, mais d'une grande exigence vis à vis de son propre travail.
Que l'on ait déjà lu ou non les œuvres de Virginia Woolf, cette biographie est réellement très intéressante. Sans doute aussi parce qu'elle dépasse l'aspect purement documentaire. En effet, Geneviève Brisac et Agnès Desarthe mette leur talent d'écrivains au service d'une autre romancière qu'elles aiment et admirent. La double vie de Virginia Woolf (publié en grand format sous le titre V.W. le mélange des genres) est donc une œuvre littéraire, la création de deux romancières qui ont soigné aussi bien leur sujet que leur style. Alors bien sûr, certains regretteront le manque de repères biographiques ou bibliographiques ou même certains épisodes passés entièrement sous silence. Pour ma part, j'ai vraiment apprécié le regard subjectif de ces deux romancières, et c'est ce qui à mon sens, fait tout l'intérêt de cet ouvrage.
(D'autres avis, ailleurs dans la blogosphère : Lilly et Malice)
Laurence
Extrait :
Les métaphores sont un des moyens qu'utilise Virginia Woolf pour révolutionner le roman. Elle en a soupé des histoires édifiantes qui feraient presque croire que la vie a un sens, que l'existence s'organise selon un compte du chaos, des paradoxes, de la complexité. Rompre avec le vieil art du récit dont elle décrit si bien l'approximation dans un des pages mémorables de son Journal de 1928 : « Disons que l'instant est une combinaison de pensée, de sensation, plus la voix de la mer. Déchet, inertie proviennent de ce que l'on inclut dans l'instant des données qui n'en font pas partie. Passer du déjeuner au dîner, cet épouvantable procédé narratif du réaliste, est faux, irréel, purement conventionnel. »
Virginia va défigurer le roman.
La double vie de Virginia Woolf de Geneviève Brisac et Agnès Desarthe - Éditions 10/18 - 279 pages
Commentaires
mercredi 18 janvier 2012 à 11h30
Ma chère Laurence j'approuve à 100% ce magnifique billet
jeudi 19 janvier 2012 à 09h13
Titre à garder dans un coin de ma tête.
vendredi 20 janvier 2012 à 22h10
Merci Malice
Dédale : il reste encore de la place avec tous les titres qui y sont déjà ?
mardi 24 janvier 2012 à 10h01
Je le note je vais me l'acheter, je ne connais pas trop cette auteure et ça va me permettre de l'aborder. Merci et bonne journée.
mercredi 25 janvier 2012 à 07h59
Avec plaisir Nina et bonne lecture.