Ben est bien américain. Il est vivant. Et il se trouve en prison.

Alors comment cet ado va-t-il encaisser cette nouvelle, les années de silence de sa mère ? Comment vivre avec un père que l'on ne connaîtra peut-être jamais ? Des milliers de questions tournent et tournent encore dans sa tête.

Sept ans ! Presque la moitié de sa vie passée dans l'ignorance. Alors qu'il aurait suffit d'un mot… mais l'absence, le manque, la privation.

Léo se rend compte qu'il ne sait finalement pas grand-chose sur sa mère, de son histoire avant qu'il ne vienne au monde. De qui elle est, au fond, en dehors d'être sa mère.

Voilà un gamin bien tourneboulé. Il en sèche les cours, passe son temps à cogiter tout cela, à marcher sans fin dans la ville. Rien ne va plus. Heureusement, il finit par en parler à Yannis son meilleur ami et ainsi qu'à la belle Esther.
Ramassant tout son courage, Léo envoie une lettre à son père. Un échange épistolaire s'engage sur la pointe de la plume.

J'ai vraiment aimé cette histoire, les personnages, le style comme il faut. Aucun mélo, l'auteur n'en rajoute pas sur le milieu de la prison, pas de drames qui font pleurer les foules. Tout est d'une sobriété parfaite tant pour l'écriture que pour l'intrigue, juste ce qu'il faut. Et ce Léo, tout adolescent qu'il est, est costaud dans sa tête. Il va bien grandir, ce gamin. Entre Esther et Yannis, il est bien entouré, enveloppé d'une amitié saine et réconfortante.
J'ai beaucoup apprécié ces jeunes pas totalement lobotomisés. F. Paronuzzi fait parler ces adolescents comme des adultes. Point de langage parlé ou en mode sms. Une histoire racontée simplement avec quelques pointes d'humour pour faire passer les moments où l'émotion est trop forte. Comme le font les gosses pour montrer qu'ils ne sont pas des mauviettes.

Je ne vous en dis pas plus parce qu'il y a beaucoup d'autres choses dans cette histoire charmante, plaisante, plein de réalisme. Et comme toujours, mon seul regret, que cette histoire soit si courte. Je serai bien restée un peu plus longtemps avec Léo et sa bande fort sympathique.

J'attends avec impatience le prochain roman. :-)

Dédale


Du même auteur : La lettre de Flora, Comme s'ils étaient beaux, 10 ans 3/4, Un cargo pour Berlin, Là ou je vais.
Voir aussi l'interview de l'auteur pour le Biblioblog.

Extrait :

Yannis fixe son ami. On dirait que Léo essaie de lire l'avenir dans sa tasse vide. La crème du café a séché. Yannis aimerait posséder la formule magique mais les mots lui font défaut, pour une fois. Il ne sait pas quoi faire avec la douleur de Léo. Immense.
- Tu en a parlé à ta mère ?
- Bien sûr. C'est pas la première fois qu'on s'envoie des horreurs, mais là, tout l'immeuble en a profité. Elle a dit que je n'avais pas à fouiller dans ses affaires, elle a parlé de confiance... de confiance, tu te rends compte ? J'étais dingue. J'ai balancé des atrocités, des trucs dégueulasses. Je me contrôlais plus. Elle a dit que je n'étais pas en état d'entendre quoi que ce soit et j'ai fini dans ma chambre, avec mes clopes et de la musique à me liquéfier le cerveau, presque mur pour la camisole.
Yannis pince les lèvres. C'est du sérieux.
- Et t'as une idée pourquoi ta mère vire de l'argent à ton père ? Il est pauvre ? Enfin, dans le besoin ?
Je n'en sais rien, aucune idée.
Le type, au comptoir, se bidonne toujours devant les saillies de son journal. Un jeune gars en bleu de travail pousse la porte. Une petite fille enserre son cou, ses cheveux nattés en fines cordelettes.
Yannis pose la main sur le poignet de son ami. Il n'a pas envie que Léo souffre. Il voudrait lui offrir un peu d'oxygène, un peu de répit. Le silence entre eux semble durer des heures.
- T'a fait quoi aujourd'hui, du coup ?
- Pas grand-chose. J'ai traîné. A midi, j'ai acheté un sandwich vers Curial, il était dégueu et j'avais pas faim, je l'ai balancé aux canards.
- C'est moche de te venger sur ces pauvres bêtes.
Léo sourit. C'est gagné. Un petit peu gagné. C'est déjà ça.

Mon père est américain
Mon père est américain de Fred Paronuzzi - Éditions Thierry Magnier - 142 pages