Pour tromper l’ennui ils jouent au tennis, mais ils jouent aussi la comédie de la vie : tomber amoureux, souffrir, sentir le plaisir de souffrir parce qu’un autre ne vous aime pas.
Nous sommes dans la tête de l’héroïne : elle ressemble étrangement à l’auteure au même âge, elle s’appelle Paula, elle a 12 ans, et avec ses parents et ses deux sœurs plus âgées elle découvre la vie. Elle tombe amoureuse de Antoine, qui a perdu son bras dans un accident de vélo, mais lui se moque bien d’elle, elle n’a rien pour elle comme on dit alors.
Antoine est amoureux de Milly, comme tous les garçons du village, mais elle se fiche d’eux, elle n’a d’attention que pour Pierre.
Et la comédie amoureuse se poursuit sans que personne n’y trouve son compte.
Ay, Paloma c’est le nom d’une chanson qui dit : Ay, una Paloma blanca como la nieve, como la nieve, ay, me has arruinado et alma, como me duele, como me duele…
et c’est le disque qui tourne sans arrêt sur le gramophone qu’écoutent les adolescents réunis le soir.
Mais bientôt le mois d’août se termine et nous sommes le 08 septembre 1943, c’est la destitution de Mussolini du Grand Conseil fasciste. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Les esprits se déchaînent, les adultes se déchirent et les enfants assistent aux empoignades.
Après ? Après, chacun ira rejoindre son destin : celui qui est juif sera renvoyé vers les camps, celui qui opte pour le Duce rejoindra les rangs de la République, le troisième choisira le camp des partisans qui ont pris le maquis.
L’héroïne, elle, n’aura pas choisi, mais plus rien ne sera comme avant.
En redescendant de la vallée d’Aoste pour Rome ou pour Milan, ils auront définitivement quitté la pays de l’enfance.
C'est la curiosité qui a constamment guidé l'écrivain, comme un courant souterrain. La curiosité va de pair avec la mémoire. Rosette Loy joue avec les souvenirs de sa propre enfance pour nous rendre vibrante la présence de cette petite qui n’est déjà plus une enfant, et qui souffre de ce que personne ne s’intéresse à elle.
Une écriture dense, très proche des personnages qui s’incarnent sous nos yeux.
L’un des romans les plus resserrés de cette auteure italienne de renom (ses autres romans La Bicyclette, Un chocolat pour Hanselmann… sont connus dans toute l’Europe), peut-être son plus beau.
Alice-Ange
Extrait :
Est-ce qu’on peut être malheureux à douze ans, profondément, totalement malheureux, au point que ce malheur devienne un concentré de tous les battements de cœur connus jusque là ? Et demeurer en même temps réceptif à la plus petite parcelle de ce qu’on est en train de vivre ? Comme si ce mois d’août avait marqué le partage des eaux entre le calme écoulement de l’enfance et la bousculade impétueuse et désordonnée de sentiments nouveaux, lancés ensemble dans un goulet étroit comme celui où se précipite l’Evançon.
Ay, Paloma de Rosetta Loy - Éditions Payot-Rivages Poche - 96 pages
Traduit de l'italien par Françoise Brun
Commentaires
vendredi 24 février 2012 à 11h08
Très joli billet, Alice-Ange. Me tente, me tente...
vendredi 24 février 2012 à 18h49
Merci Sylvie, surtout n'hésite pas, Rosetta LOY est l'une des grandes voix italiennes...
samedi 25 février 2012 à 09h54
j'avais envie de découvrir cette auteure depuis longtemps , je sais maintenant quel texte choisir en premier , merci pour ce joli billet
samedi 25 février 2012 à 10h00
Sylvaine, n'hésite pas à lire aussi "la bicyclette", "Madame Della Stalle aussi est juive", "la bicyclette" ou "un chocolat chez Hanselmann". Et raconte nous tes lectures dans Biblioblog !
dimanche 26 février 2012 à 19h40
Excellent commentaire. Je voudrais bien le relire, et dans mon esprit ce livre s'apparente à un autre auteur italien, Giorgio Bassani, et à son roman qui s'appelle "les lunettes d'or".
lundi 27 février 2012 à 21h55
Très juste la référence à Giorgio BASSANI est tout à fait pertinente, comme les noms de Elsa MORANTE ou encore Natalia GINZBURG, que Rosetta Loy cite dans ses références. A noter que les "lunettes d'or" de Giorgio Bassani vient de reparaître en poche et en édition bilingue.