En réalité, lorsque les pompiers arrivent pour débloquer l'hôtel, prisonnier des neiges depuis trois jours, ils ne trouvent que des cadavres. C'est donc le commissaire Lestrade (le bien nommé) qui se charge de l'affaire en prenant connaissance des notes prises par les universitaires tout au long de cet important mais dangereux week-end.
Car l'enjeu du colloque était de taille : nommer officiellement le premier détenteur de la toute nouvelle chaire d'Holmésologie de la Sorbonne. On comprendra donc aisément que l'ambiance était à couteaux tirés.

Le décors est très vite planté et à peine l'ouvrage ouvert, on se rend compte que c'est le genre de livre où l'on se cale confortablement dans le fauteuil ou sous la couette, un thé / café / liquide au choix à portée de main avec quelques grignotages, histoire de passer les moments de stress et la fringale, éventuellement une musique d'ambiance en fond sonore, on n'oublie pas de décrocher le téléphone et hop, immersion totale pendant quelques heures de franche rigolade en compagnie des "disciples" de Sherlock Holmes.

J.M. Erre est un auteur qui a commis deux autres romans que je n'ai pas lu, mais il va falloir que j'y remédie. A l'heure où le célèbre détective fait la une des médias avec une bonne actualité au cinéma et une excellente série anglaise, il surfe sur la vague en signant un pastiche fort honnête tout en jouant avec les personnages créés par Sir Arthur Conan Doyle et en égayant le lecteur de ses inventions très divertissantes sur le caractère de ses (anti-)héros.

J'ai eu un peu de mal au début à concilier le ton léger, voire badin, avec le sérieux du propos. Pour tout dire, l'auteur force un peu le rire parfois et accumule les images et les comparaisons saugrenues à cette intention. Cependant, le sourire n'est jamais très loin, à chaque page, vu les énergumènes dont il parle.
Le tout étant émaillé de passages fort à propos tirés de l'ouvrage "Sherlock Holmes pour les Nuls" (qui pourrait très bien exister). Ce qui permet de placer un peu de sérieux dans l'affaire.

En dehors des considérations humoristiques, l'auteur rend également un hommage évident à la Reine du Crime, Agatha Christie, avec un clin d’œil aux Dix petits nègres que l'on reconnaîtra sans peine. De la même manière, le récit est rempli de références à l'un ou l'autre ouvrage de Conan Doyle ou de ses pastiches (tel que L'instinct de l'Equarrisseur, de Thomas Day, ainsi qu'à d'autres œuvres de fiction comme le film de Billy Wilder. En résumé, en plus d'être un ouvrage distrayant, c'est également une somme plutôt érudite d'anecdotes, de citations et un recensement assez exhaustif des œuvres les plus marquantes au sujet de Holmes.

Un ouvrage à conseiller pour les amateurs de polar, les holmésiens confirmés et surtout, surtout, pour le plaisir de passer un excellent moment avec un bon roman et de pouvoir rire aux éclats de temps en temps.

Du même auteur : Prenez soin du chien, Made in China
Lire aussi l’interview de l'auteur pour Biblioblog

Cœur de chene

Extrait :

Sherlock Holmes pour les Nuls (extrait)

H comme Holmésien : Mammifère bibliophile vouant une passion à Sherlock Holmes. Les spécialistes - à l'université et à l'hôpital - distinguent plusieurs catégories d'holmésiens. Les niveaux 1 à 3 désignent les amateurs du détective anglais créé par Arthur Conan Doyle en 1887. Ils aiment à lire et à relire les quatre romans et cinquante-six nouvelles qui forment le "Canon" holmésien, scrutent la sortie en librairie des innombrables pastiches consacrés à Holmes, et ne rechignent pas à s'aventurer dans les enquêtes des concurrents, Hercule Poirot ou Harry Dickson. Pour résumer, mis à part une tendance un peu pénible à s'exclamer à tout propos "Élémentaire mon cher Watson", ils sont inoffensifs.
Les niveaux 4 à 6 correspondent à des holmésiens initiés. Pour ces adulateurs du Canon, la frontière en la fiction et la réalité se trouble par moments. On se met à privilégier le texte original en anglais, on se lance dans des analyses textuelles, on adhère à une "société holmésienne", on suit des colloques. Bref, on commence à fatiguer ses proches.
Enfin les holmésiens de niveaux 7 à 10 forment une caste à part. Pour eux, les choses sont claires : Sherlock Holmes à bel et bien existé et Conan Doyle n'était que l'agent littéraire du docteur Watson, biographe du détective londonien. A ce stade, la fiction n'existe plus, les écrits de Watson sont parole d’Évangile, l'étude des textes sacrés devient le centre de toutes les préoccupations, on s'attaque à énigmes métaphysiques fondamentales comme la date de naissance de Holmes ou le nombre de mariage de Watson.
Et, dans le meilleur des cas, on essaie de prendre ses pilules tous les matins.


 Le mystère Sherlock Holmes
Le mystère Sherlock de J.M. Erre - Éditions Buchet-Chastel - 328 pages