La famille en question, c'est celle de la narratrice. Cadette d'une fratrie de trois soeurs, elle entretient des liens parfois compliquées avec son père et surtout avec Catherine, sa belle-mère. Les fêtes comme les anniversaires ou les réveillons sont des occasions pour que tout le monde se rassemble, même si ces repas donnent parfois l'impression d'être des passages obligés.

Ces habitudes, que chacun perpétue tant bien que mal, sont bouleversés par une phrase prononcée un soir par Catherine, en colère. Elle laisse entendre qu'une des filles pourrait ne pas être la fille de son père. Pour Irène, l'aînée, c'est le début du doute et de la recherche de celui qui pourrait être son père. Est-ce cet avocat qui fréquentait sa mère avant qu'elle ne rencontre son père ? Seule, elle n'arrive pas à surmonter cette épreuve et s'appuie sur sa soeur cadette.

C'est par les yeux de cette dernière que le lecteur va suivre cette quête du père. Mais la narratrice est touchée par un autre drame. Mathieu, l'homme qu'elle fréquente et qu'elle ne voit que de temps à autre, est victime d'un accident mortel. Elle n'avait pas été présentée à la famille de Mathieu et devient donc une intruse au moment où la famille doit affronter le deuil. Elle est dans la position inconfortable de celle qui souffre mais qui ne peut dire à personne sa souffrance, ni soulager celle des autres.

L'ouvrage d'Anne Berest est un beau roman. Si l'intrigue repose finalement essentiellement sur les épaules de la narratrice qui vit deux drames familiaux simultanément, elle est rendue par une écriture très touchante. Sans fioritures inutiles ou pathos larmoyant, elle décrit très bien les difficultés rencontrées par Irène, Catherine ou la mère de Mathieu. Certes, ce n'est pas un roman qui reste un tête, mais c'est une très belle lecture sur une tranche de vie, entre quotidien et événements extraordinaires.

Yohan

Extrait :

En sortant de la gare, je suis rassurée de marcher doucement dans les rues de Reims, ma ville de poupée, loin de Paris. La place d'Erlon est pleine de monde et au loin un bonimenteur crie dans un micro pour vendre quelque chose. Je me souviens que le jour où j'ai rencontré Mathieu, devant l'Apostrophe, les groupes se parlaient, un homme était venu me voir, une bière à la main, il était complétement saoul et j'avais honte que Mathieu puisse penser que je connaissais cet homme.

La fille de son père
La fille de son père
d'Anne Berest - Éditions Points - 160 pages