Richard Gray est d'abord surpris par l'aspect de la jeune femme : trop discrète et transparente, lui semble-t-il, pour avoir pu être sa petite amie. Et pourtant, il y a ce sentiment familier, étrange dont il ne peut se défaire, ces flashs qui reviennent : un voyage en France, une rencontre dans un train, la présence impalpable mais tenace d'un ancien amant... La première partie du roman nous propose donc de découvrir leur histoire à travers le regard de Richard Gray et l'on pourrait se demander pourquoi ce roman est paru dans la collection Lunes d'Encre. A priori, rien de surnaturel dans ce récit.

À priori seulement. Car la seconde partie donne la voix à Niall et la version qu'elle nous raconte est toute autre. Bien sûr, impossible de vous dire ici le principal point de divergence et donc ce qui en fait un roman fantastique (je vous conseillerai cependant de ne surtout pas lire la quatrième de couverture qui une fois encore gâche tout le plaisir de la lecture à trop en dire). La structure du roman, en donnant la voix alternativement aux personnages principaux du récit, est une des très bonnes trouvailles de Christopher Priest. Nous en effet, la même histoire, racontée selon des points de vues différents et cela permet de s'interroger sur le principe de réalité et sur la fiabilité de la mémoire.

Ce qui m'a le plus intéressée dans ce roman, c'est la façon dont Christopher Priest se sert d'un élément fantastique pour nous faire réfléchir sur les dérives de nos sociétés contemporaines. Pris dans le flot, nous devenons tous plus ou moins des anonymes, des êtres transparents et marginaux. Christopher Priest mêle donc ici habilement univers de l'imaginaire et critique sociale. Le Glamour peut ainsi être lu à plusieurs niveaux et certains retiendront avant tout la romance des deux protagonistes alors que d'autres se fixeront sur l'aspect surnaturel du récit, quand d'autres enfin s'attarderont sur les réflexions philosophiques que cette lecture entraîne.

Cependant, et pour être tout à fait honnête, il m'a manqué quelque chose pour être totalement convaincue. Peut-être ce sentiment est dû à une écriture trop neutre, à moins que ce ne soit le dénouement, certes séduisant mais un peu trop facile. J'imagine par contre très bien une adaptation cinématographique de ce récit ; conserver l’ambiguïté et le mystère serait d'ailleurs un défi de taille mais diablement intéressant.

Laurence

Extrait :

Il aurait aimé tourner la main pour qu'elle lui touche la paume, mais rien ne lui donnait droit à un geste aussi intime, il le savait. Devant les grands yeux et le teint pâle de son interlocutrice, il se dit qu'il avait dû se faire facilement à leur liaison. À quoi ressemblait cette jeune femme discrète qui avait été son amante ? Que savait-elle de lui ? Que savait-il d'elle ? Pourquoi avaient-ils rompu, alors que leur relation était manifestement importante à leurs yeux ? Elle appartenait à la vie d'avant le coma - avant la torture des organes lacérés et de la peau cloquée -, à l'époque perdue de Grey. Pourtant, il ignorait jusqu'alors son existence même. Il avait envie de lui donner une réponse sincère, mais quelque chose l'en empêchait.
« J'essaie de me rappeler. J'ai l'impression de vous connaître.»

Le Glamour
Le Glamour
de Christopher Priest - Éditions Folio SF - 409 pages
traduit de l'anglais par Michelle Charrier