Cette histoire au titre si évocateur est un Intéressant point de vue sans misérabilisme ou pathos sur l'hôpital, l'accueil du malade, en l’occurrence son frère atteint d'une tumeur. C'est un point de vue presque clinique, donné dans un langage direct presque abrupt, comme quand on est déjà submerger d'émotions et que l'on a "l'obligation" encore de faire bonne figure, devant le malade. Parce que l'on ne veut absolument pas craquer. Ce sera pour plus tard.

Marie Depussé parle en même proportion de sa complicité avec ce frère, « qui entrait dans l'hiver. » En filigrane, les relations au sein de la fratrie, leurs réactions déjà devant la mort lors de la maladie de leur mère.

On trouve également de bonnes choses concernant les réactions des visiteurs d'un hôpital, cette grande maison blanche, plus spécifiquement l'Hôpital Henri Mondor, à Créteil.

Mais avant d'ouvrir la porte de la chambre, on a le corps noué, la tête traversée par des trains qui déraillent.
On sait qu'il y a eu la nuit, que la fatigue augmente dans son sourire. Puis on ouvre la porte, doucement, et on avance, il est réveillé, il nous regarde. On ravale le chagrin, on le tasse n'importe où dans le corps et on avance vers lui avec du bonheur dans les yeux…

Pourtant, il y a quelques phrases petits paragraphes que je n'ai pas compris. Peut être pas assez au fait de la vie, la logique de l'auteur. Et aussi une impression qu'il y avait deux Jean, sans savoir parfois de quel Jean l'auteur parlait. Mais ce n'est pas ce que je retiendrai de cet ouvrage.

L'auteur prend bien soin de ne pas entrer dans le détail de tout ce qui pourrait être amélioré dans ces grandes machines que sont les hôpitaux, ce n'est pas le propos de l'ouvrage, mais cela effleure par ci par là (salaires du personnel, sous effectifs, pas ou peu de temps pour réellement écouter le malade, soulager ses angoisses).

Il n'y a bien que sur la perte d'humanité qu'elle évoque à juste raison. L'indélicatesse d'une secrétaire qui vous balance vos derniers résultats.
Je ne vous parlerai pas du service Les Portes. Ce service où l'on place les gens parce que l'on ne sait pas où les mettre ailleurs, parce qu'il n'y a pas de chambre dans un autre service. Il y a de quoi hurler.

On était où, dans ce lieu sans lumière ? Passage entre les urgences et la morgue, sans doute, insignifiant, au point qu'aucun fonctionnaire de l'enfer ne venait y jeter un œil.

Une lecture intéressante que je vous conseille d'aborder à un moment où vous êtes bien, sans souvenirs d'une maison blanche.

Dédale

Extrait :

On se parle peu, entre visiteurs, quand on se croise dans les couloirs. On est seul, chacun, comme un pays occupé, seul dans sa guerre.
J'ai vu des femmes d'aspect ordinaire qui sortaient sans un mot de la chambre et attendaient d'arriver au bout du couloir avant de cacher avec un mouchoir leurs yeux qui s'étaient remplis de larmes. J'aurais aimé leur toucher le bras.
On se croire quand on fait les courses, au supermarché au bout du parking. L'immense parking où l'on ne trouve pas de place, le jour, où l'on perd sa voiture, la nuit.
Il y a toujours un faux supermarché, près des hôpitaux, se donnant des allures rassurantes d'épiceries où une femme normale irait faire les courses pour la semaine. Vous n'avez pas le choix.
La fatigue du malade est si grande, les journées si longues, qu'il n'ose pas les dire. Alors vous dites qu'il faut renouveler l'eau et les jus de fruits, sans le forcer à articuler ce qui serait pour lui de l'ordre d'une envie…
« Si tu peux, dit gentiment la voix fatiguée, tu peux me prendre des abricots. » En votre absence il dormira peut-être, dans ce mauvais sommeil de malade qui vous fait mal. Il se reposera de vous.

La nuit tombe quand elle veut
La nuit tombe quand elle veut de Marie Depussé - Éditions P.O.L - 121 pages