Lettre à terme échu est un conte très romantique sur un amour impossible. Et comme dans Roméo et Juliette, Eduardo et Beatriz s'aiment mais leurs familles se haïssent furieusement. De plus les pères ont bien d'autres projets pour leurs progénitures respectives. Tout est fait pour les séparer. Le jour où Eduardo embarque pour conclure ses études à Heidelberg, les amoureux se retrouvent, se prêtent serment. En une belle scène du balcon, ce sont chaudes larmes et longs soupirs, on se jure amour et fidélité de pensées, de sentiments.
Durant 18 ans, la mer et la haine des deux familles les séparent mais les sentiments tiennent bons avec force échange de courrier. Le temps suffisant pour que les obstacles familiaux disparaissent. Nul n'est éternel ! Puis un jour, Eduardo revient enfin à Rio. Les amoureux tiennent leur engagement, se marient et vivent ensemble. Mais sont-il heureux pour autant ? Le temps et la séparation ne les ont-ils pas eux aussi marqués ?

Dans le deuxième conte, le narrateur est plus effacé que dans Lettre à terme échu, où l'histoire suivait deux trames parallèles – une le récit lui-même et une autre ciblée sur la démarche du narrateur sous la forme d'un dialogue entre deux amis. Avec Le machete (petite guitare à quatre cordes), le narrateur explique ce qui le porte à écrire son récit ou dire qu'il ignore tel ou tel détail de l'histoire. En somme, "je vous dis ce que je sais, à vous de combler les blancs. » Ici, Machado de Assis raconte une autre désillusion amoureuse.
Inãcio Ramos a 10 ans et manifeste une vocation musicale forte. Joueur de rabeca, sorte de violon rustique, toujours vivant dans le folklore brésilien, puis s'adonne au violoncelle auprès d'un vieil allemand de passage. Devenu homme, le rabeca, c'est son métier et le violoncelle, son art. Malheureusement, sa femme ne comprend pas l'enchantement du violoncelle, prise fort peu les pièces que Inãcio compose pour elle. Son cœur ne vibre que pour un joueur de machete.

Dans Chant nuptial, le narrateur guide le lecteur sur la beauté de la scène. C'est l'histoire d'un musicien de talent, comme Inãcio, mais sur le déclin. Romão Pires cherche sans cesse à créer une œuvre qui donnera un véritable sens à son existence. Y réussira-t-il ?

En trois petits contes qui ne paient pas de mine, vous connaîtrez un petit peu mieux le Brésil du XIXème siècle mais surtout Machado de Assis. Vous découvrirez son talent à dépeindre une société aux sentiments intenses et une plume si particulière, faite à la fois de facétie et de légèreté, sa peinture mordante et délicate des êtres humains et leurs passions.

Une agréable découverte.

Dédale

Extrait :

Inãcio était né pour le violoncelle.
A dater de ce jour, le violoncelle devint le rêve de l'artiste fluminense. Profitant du passage de l'artiste germanique, Inãcio se fit donner par lui quelques leçons, dont il fera plus tard son profit quand grâce à des économies patiemment réunies, il aura enfin en main l'instrument rêvé.
A cette époque son père était déjà mort. Il lui restait sa mère, bonne et sainte femme, dont l'âme semblait supérieure à la condition où elle était née, tant la conception qu'elle avait du beau était élevée. Inãcio avait maintenant vingt ans, un visage d'artiste, des yeux pleins de vie et d'avenir. Il vivait des quelques leçons qu'il donnait et de quelques compléments qu'il obtenait au gré des circonstances, appelé qu'il était à jouer tantôt dans un théâtre, tantôt dans un salon, tantôt dans une église. Il lui restait quelques heures qu'il employait à l'étude du violoncelle.
Il y avait dans le violoncelle une poésie austère et pure, une manière mélancolique et sévère qui se mariaient en quelque sorte avec l'âme d'Inãcio Ramos. Le rabeca, qu'il aimait encore pour avoir été le premier véhicule de ses sentiments d'artiste, ne lui inspirait plus l'enthousiasme d'autrefois. Il était devenu un simple gagne-pain. Inãcio n'en jouait plus avec l'âme mais avec les mains. C'était son métier, non son art. Son art, c'était le violoncelle  c'est à celui-ci qu'Inãcio réservait les meilleurs de ses aspirations intimes, ses sentiments les plus purs, l'imagination, la ferveur, l'enthousiasme. Il jouait du rabeca pour les autres, du violoncelle pour lui-même et – c'était la seule exception – pour sa vieille mère.

Trois contes
Trois contes Machado de Assis - Éditions Chandeigne - 97 pages
Ouvrage bilingue, traduit du portugais (Brésil) par Jean Briant.