Mon Pouchkine est un texte double, puisqu'il est à la fois un hommage au poète et une évocation de l'enfance de Marina Tsvetaïeva. Les deux aspects se fondent complètement l'un dans l'autre. L'auteur revient sur sa découverte progressive de Pouchkine, son influence sur elle, avant même qu'elle ne commence à le lire.
Des horizons nouveaux s'ouvriront quand elle découvrira un volume bleu-violet d'œuvres de Pouchkine dans l'armoire de sa sœur. Ce volume, elle le lit en secret. Des mots, des notions, des peuples et des époques inconnus surgissent dans son univers. Tatiana, le personnage féminin d'Eugène Onéguine la marque tout particulièrement.
Une part importante de ce livre consiste en une reconstitution par l'auteur de son questionnement d'enfant face à certains poèmes dont le sens semblait lui échapper. Elle explique comment elle entendait alors le texte poétique. Certains mots lui étaient inconnus, mais elle parvenait néanmoins à construire sa propre interprétation, ses propres images, comme pour ces quelques lignes de Poltava, poème historique de Pouchkine :
Et cette toque du cavalier :
S'il ne peut pas s'en détacher
C'est qu'une lettre y est cachée
Où Kotchoubey, Judas du traître,
Dénonce au tsar l'hetman son maître
Elle écrira plus loin : Je dois au Pouchkine historique de mon enfance mes plus inoubliables visions.
. Ces visions, l'auteur a manifestement su les partager !
Extrait :
La Statue-Pouchkine (pas la statue de Pouchkine), deux mots pour un, Statue-Pouchkine, deux inconnus, statue et Pouchkine, inconciliables et accolés. — Celui qui sous la pluie, celui qui sous la neige — reste ! Oui, je le vois — portant sur les épaules son poids de neige, la neige — russe. Au vent de l'aube, au vent de neige, que je viens voir ou que je quitte, je cours vers lui ou je le fuis, et lui, haut-de-forme à la main, il s'appelle : “Statue-Pouchkine”.
Statue-Pouchkine, le but et la limite des promenades : de la Statue-Pouchkine à la Statue-Pouchkine. C'était le but de nos poursuites : le premier à la Statue-Pouchkine. Seule la nourrice de ma sœur abrégeait, dans sa simplesse : “À Pouchkine, on se repose”, ce que, pédantiquement, je corrigeais :
“Pas à Pouchkine, à la Statue-Pouchkine.”
C'est la Statue-Pouchkine qui m'a d'abord servi à mesurer l'espace : des portes de Nikita à la Statue-Pouchkine — la borne, la borne perpétuelle des poèmes de Pouchkine, la borne des Démons et de La Route en hiver, la borne de toute sa vie, celle de nos choix de textes, la borne rayée qui se dresse, la borne incomprise qu'on accepte.
Mon Pouchkine de Marina Tsvetaïeva,
traduit du russe par André Markowicz - Babel - 108 pages.
Commentaires
mardi 5 juin 2012 à 20h27
Et en plus ce livre est traduit par André Markowicz ! J'apprécie beaucoup ce traducteur.
mardi 5 juin 2012 à 21h48
Moi aussi j'aime ce traducteur. C'est aussi l'une des raisons qui m'ont fait acheter le livre. Toujours pas lu, bien entendu. Un jour, j'apprendrai le russe pour lire Pouchkine dans le texte. Oui, c'est beau de rêver!