Je croyais avoir besoin de voyager seul et de rester silencieux vingt-quatre heures pour regarder en face le temps qui passe. En réalité, j'avais besoin d'autre chose. J'avais besoin, je crois, de partager un peu de temps volé avec une aimable inconnue.

Et voilà, tout est dit. Et le lecteur de monter dans le même train que Christopher, opérationnel culturel et son inconnue rencontrer devant la gare. Au fil des arrêts sur leur périple vers le Portugal, Emma et lui vont parler de leurs vies, leurs rêves, leurs idéaux, leurs lassitudes, leur appréhension de ce monde si fébrile, où tout le monde court après quelque chose.

J'ai aimé ces deux personnes que l'on apprend à connaître un peu, juste ce qu'il faut, entre aimable sollicitude et intérêt non intrusif. C'est simple, efficace, doucement amère, plein de respect et de délicatesse. Le tout donne une plaisante ambiance mélancolique, très jazzy. Comme j'aime, comme j'en avais envie ou besoin à ce moment là.

La vie ne s'occupe pas de nos désirs mais elle s'arrange, parfois de manière très inattendue, pour répondre toujours à nos besoins.

Quant à la fin du voyage, tout est possible. L'auteur laisse libre son lecteur. Vont-ils se revoir après cette période de vacances ? Allez savoir… mais du train où vont les choses…

Du même auteur : Le grand jardin

Dédale

Extrait :

- Vous semblez amer…
- Vous trouvez ? Je croyais que mon amertume s'était dissoute ce matin dans la pluie et le vent…
- Il y a sûrement des raisons d'en garder un peu.
- Non. Mais je crois que je conserve un petit stock de colère. Un tiers à l'égard d'un certain nombre de fonctionnaires, si souvent négligents ou incompétents, on dirait qu'ils sont arrivés dans le secteur culturel parce qu'on n'a pas voulu d'eux ailleurs. Mais en disant cela, je me demande si ce n'est pas vrai dans n'importe quel autre secteur. Peu de gens sont fous mais franchement, beaucoup sont très flous, n'est-ce pas ? On se demanderait qui a fait la photo…
- Et les autres tiers de la colère ?
- J'allais dire un tiers pour les médias et un pour moi. Mais les journalistes sont coincés par leurs annonceurs et asphyxiés sous la masse des informations à traiter. Alors je garde le solde pour moi seul. Parce que c'est à moi que j'en veux. D'avoir toujours mis trop de passion et pas assez de raison dans mes projets. Quelqu'un a dit un jour que cela n'avait rien d'étonnant que j'aie des soucis d'argent : je ne faisais que ce que j'aimais faire.
- Et je parie que c'était vrai…
- Non ! Enfin, pas tout à fait. Mais disons à quatre-vingt-cinq pour cent…
Emma éclate de rire. Elle lui dit qu'il devrait voir sa tête quand il dit des choses pareilles. Il joue avec ses lunettes. La regarde en plissant les yeux. Sourit à demi.

Du train où vont les choses
Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver de Francis Dannemark - Éditions Robert Laffont - 92 pages