Jérôme Garcin se raconte, raconte la vie avec son frère, puis la vie sans lui. Il va à la recherche de son passé, de leur passé commun, interroge des photos, des parents, des proches, ses propres souvenirs et les confronte. Sa recherche se double d’un questionnement sur la gémellité, à travers des témoignages, des études psychiatriques ou des romans, tels Les Météores de Michel Tournier. Des questions lancinantes restent sans réponse : se sent-on toujours coupable lorsque l’un meurt et que l’autre survit ? Vit-on plusieurs vies en plus de la sienne pour donner sa place à l’absent ?

Olivier, exercice d’exorcisme sur le deuil, double chez l’auteur puisqu’il perd son père à dix-sept ans, est aussi une réflexion mélancolique sur le temps : le passé prend de plus en plus de place dans un présent où les perspectives du futur deviennent floues. C’est enfin la confession pudique d’un écrivain de talent qui avoue avoir écrit ce récit pour que le prénom « Olivier » « soit un jour imprimé, en capitales rouges, sur une couverture blanche. »

Marimile

Du même auteur : Bleus horizons

Extrait :

Je viens d’avoir cinquante trois ans  nous venons d’avoir cinquante trois ans. Je n’aime pas ce rituel. Il réveille une douleur que le temps finit par discipliner, mais qu’il n’a jamais réussi à effacer. Il ravive une colère d’enfant révolté par l’injustice, une hébétude, un effroi, dont, malgré tous les efforts qu’on fait pour se tenir droit, on ne se relève jamais.
A chaque anniversaire, le même trouble me saisit : j’ai l’impression que je ne suis pas seul. Il m’arrive même, sans rien en dire à ceux que j’aime et qui m’entourent de leur affection, de m’étonner de ton absence, de pester contre ton éternel retard, de lorgner vers la porte d’entrée de te guetter, d’imaginer que tu vas m’aider à souffler les bougies-à deux, quelle furieuse tornade ce serait, et quelle rieuse bourrasque. A deux, on ferait un vaillant centenaire.
Mais tu n’es jamais venu autrement qu’en frôlant, de ton aile d’ange mon épaule et la pointe sensible de ma clavicule fracturée après une chute de cheval. Est-ce une illusion ou une résignation ? Il me semble que, les années passant, ta caresse se fait plus pressente. Plus tu t’éclipses, et plus tu es présent. Peut-être est-ce toi, en vérité, qui trouves le temps long et m’attends, tapant du pied, calculant les heures Dieu seul sait où.
Pour moi, les absents ont toujours raison.

Olivier
Olivier de Jérôme Garcin - Éditions Gallimard - 158 pages.