Dans ce conte, le héros est un enfant, Louis. Il aime se promener avec un enregistreur de sons dans la ville, et se rend à l'opéra. Le lieu est désert, mais derrière le calme apparent, c'est une toute une vie qui se cache dans le bâtiment. Louis va donc rencontrer les différents habitants de ce bel endroit, et repartir changé.
La première personne qu'il croise de loin est un homme sombre, qui laisse tomber une page de sa partition. Puis Louis fait connaissance avec les fantômes qui hantent le lieu. Ah, ce ne sont pas des êtres bien maléfiques. Chaque fantôme incarne un opéra qui a été joué dans le lieu, avec tous ses personnages, sa musique, ses décors… Pour égayer leur journée, les fantômes proposent à Louis de jouer à cache-cache, ce qu'il accepte volontiers. Mais, à la recherche des fantômes, il rencontre des personnages bien curieux. Il y a un cuisinier qui mitonne des marmites de bravos et des casseroles de huées. Il croise également des pompiers, occupés à vérifier la sécurité du bâtiment, un rideau qui a vu passer beaucoup de vie dans ce bâtiment. Mes personnages préférés sont les canards, abandonnés au fond de la cave, les pieds dans l'eau, car personne ne veut entendre leurs sons disgracieux.
Non seulement l'histoire est très plaisante, mais l'ouvrage a bien d'autres avantages. Il est en effet magnifiquement illustré. Sur chaque page, un dessin fait face au texte et donne à voir l'histoire de Louis. Par moment, les pages se déplient et ce sont des grandes fresques que découvre le lecteur. On voit ainsi les fantômes, accoutrés selon l'opéra qu'ils représentent. Certains sont très typés (les wagnériens ou les romantiques notamment), laissant apparaître des quadriges de chevaux, un vaisseau fantôme ou une jeune femme maladive.
Mais cela ne s'arrête pas là. Comme, dans l'opéra, le mieux est encore de l'écouter, Pierre Créac'h et son éditeur ont eu l'excellente idée d'agrémenter cet ouvrage d'une version audio. L'histoire, contée par la malicieuse voix de Jean Rochefort (qui a plusieurs moments se permet de rire, ce qui vaut vraiment le coup d'oreille), est soutenue par une bande-son composée de nombreux extraits de pièces d'opéra. Si tous ne sont pas reconnaissables (certains extraits sont très courts ou se chevauchent), cela permet à l'auditeur de s'immerger totalement dans cette très jolie histoire. Le silence de l'opéra est selon moi une excellente manière d'initier les plus petits au monde magique et parfois impressionnant de l'opéra, car c'est une entrée en matière très douce. Mais il fournit également beaucoup de plaisir aux plus grands, qui suivent l'intrigue, attentifs.
Extrait :
Il y avait de l'eau froide et noire et pleins d'autres canards qui barbotaient en faisant COUAC ! COUAC ! A la vue du jeune garçon, ils furent tous tellement contents, qu'ils lui interprétèrent une sérénade de fausses notes savoureuses, que Louis enregistra avec délectation.
Quand ils eurent fini, sur un accord parfaitement faux, Louis les applaudit.
Aussitôt, un fantôme sortit de sa cachette et vint faire au garçon une belle révérence.
"Ah Ah ! Toi, dès qu'on t'applaudit, tu arrives !"
Le fantôme, vexé, partit lui aussi en ronchonnant. Les canards étaient tordus de rire et Louis aussi mais il ne s'attarda pas, car il faisait froid dans cette cuve, et il avait d'autres fantômes à trouver.
Le silence de l'opéra de Pierre Créac'h - Éditions Sarbacane - 112 pages
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