Dans un premier temps, l'auteur se penche sur les origines, la complexité de la violence féminine, son enracinement dans l'histoire et les mythes et tabous qui l'entourent.
Il n'était pas inutile non plus de rappeler que la violence et l'agressivité existaient chez les enfants des deux sexes. Qu'il n'y a aucune raison à sexualiser la violence. L'agressivité est une réaction naturelle, humaine. Sur ce point, hommes, femmes, tous égaux.

Puis viennent les témoignages concrets récoltés sur plusieurs continents. M. Sauvage donne la parole à des femmes venus d'horizons différents. Qu'elles soient militaires, policières, membres d'un gang à Sao Paulo ou des Farc, kamikazes en Palestine ou en Tchétchénie, qu'est-ce qui a bien pu motiver ces femmes à prendre les armes, à en user ?

Mais il y a aussi des guerrières sans armes. On peut entrer en lutte par l'engagement pacifique : pour sortir de sa condition de femme sans droit, pour l'amélioration de ses conditions de vie, pour une meilleure démocratie, développer des idées politiques, sociales, lutter contre le fameux plafond de verre.
Cette violence là n'est peut être qu'un des visages de la force des femmes que l'on nous a toujours présentées comme faibles. Il faut bien admettre que les temps ont changé. Il n'y a qu'à voir – entre autres et aussi - les résultats des sportives de haut niveau en boxe ou autres sports de combat, encore considérés de nos jours comme sports masculins.

Sur plus de 300 pages, démonstration est faite de façon fluide et intelligente. Le propos est structuré, étayé par des données documentaires, des retours d'interview, sans écraser le lecteur sous les références (chiffres, principes techniques). C'est vivant, des exemples précis, pertinents parlant à tous et toutes. Rien n'est pesant. Et ce sans jamais valoriser la violence sous quelque forme que ce soit !
Tout est si intéressant, prenant que l'on se prend à lire cette étude d'une traite. Difficile donc de trouver un extrait pour vous appâter un peu plus. On est tenté de donner tout l'essai.
On imagine aussi la somme de travail documentaire que cette étude a nécessité. Chapeau bas ! Entre les voyages en différents pays et les rencontres réalisées, on se dit aussi que cela a dû être un sacré voyage pour l'auteur !

On sent la volonté de l'auteur de dresser un tableau le plus objectif, le plus complet possible sur ce phénomène profond. Moïra Sauvage pose les bonnes questions. J'avoue que depuis cette lecture, je suis les actualités du monde avec un regard beaucoup plus éclairé.

A lire absolument !

Dédale

Du même auteur : Les aventures de ce fabuleux vagin..

Extrait :

Mais comment faire pour changer le monde derrière ses casseroles ou du fond de son lavoir ? La charge des enfants et les travaux journaliers, alliés à une tradition sévère, suffisaient à maintenir la plupart des femmes du passé à une place imposée par la tradition. Même dans les sphères élevées de la société, le pouvoir de la majorité d'entre elles était cantonné à la sphère domestique et aux affaires quotidiennes courantes. Et leur violence maintenue dans le strict cadre du quotidien. Ce n'est que dans les périodes de basculement, lorsque la société toute entière vacillait sur ses bases, lorsque l'équilibre du monde était atteint par les famines ou les révolutions que les guerrières du passée purent participer vraiment aux changements sociaux et montrer aux yeux de tous leur capacité à se rebeller. Au moment où, ayant besoin de leur force, on décidait de les intégrer aux luttes pour le changement. Elles ont parfois utilisé la violence, même si elles ne portaient généralement pas les armes. Elles s'engagèrent dans les mouvements sociaux, dans les émeutes, des les groupuscules politiques, allant jusqu'au terrorisme parfois. Elles luttèrent pour leur pays contre le colonisateurs. Les révolutionnaires, les femmes de la Commune, les anarchistes russes ou les femmes des armées de libération ont participer plus qu'on ne l'a dit aux transformations des sociétés de ces deux derniers siècles.

Guerrières A la rencontre du sexe fort
Guerrières ! A la rencontre du sexe fort de Moïra Sauvage - Éditions Actes Sud - 307 pages