Ce premier chapitre est vu par les yeux d’un Français, producteur de films, Jacques Laruelle. Il établit une sorte de relevé du terrain, de même qu’il exprime le rythme lent, mélancolique et tragique du Mexique lui-même, lieu de rencontre de plusieurs races, antique arène de conflits politiques et sociaux où, comme Waldo Frank, je crois, l’a montré, un peuple coloré et génial, entretient une religion qu’on peut appeler celle de la mort

Ce roman ou très long poème se déroule sur une année, le livre commence le jour des morts 1939 (2 novembre), puis nous remontons le temps et nous nous retrouvons 1 an jour pour jour avant soit le 2 novembre 1938. Le récit, divisé en 12 chapitres, relate en fait les 12 dernières heures dramatiques de la vie de Geoffrey Firmin dit le Consul et d’Yvonne son ex-femme. Hugh le frère du Consul est aussi présent à leurs côtés.

1 an, 12 mois, 12 chapitres, 12 heures, ce chiffre 12 de la plus haute importance dans la kabbale juive laisse supposer que derrière une construction sans faille d’un roman de la désespérance se cache un monde ésotérique foisonnant. Chaque phrase ou presque est symbolique. Kabbale, Talmud sont omniprésents.
Mais ce roman reste avant tout un magnifique roman d’amour désespéré entre le Consul et Yvonne qui après avoir vécu une relation fusionnelle, s’être séparés, essayent à nouveau de se rejoindre : Qu’y a-t-il dans la vie à part l’être qu’on adore et la vie qu’on peut construire avec lui ? (p.573).

C’est aussi la vie mouvementée du Consul et le cercle infernal dans lequel il se débat : boire du mescal le condamne à court terme, mais seul le mescal peut calmer ses tourments et ses hallucinations ! Que fuit donc cet homme ? Qu’est-ce qui le culpabilise ? Chacun porte en soi la responsabilité de ses actes passés, à lui d’essayer de vivre ou non avec. Qui sommes-nous ? En vérité, comment pouvait-il espérer se retrouver, tout recommencer quand, quelque part, peut-être dans une de ces bouteilles perdues ou brisées, dans un de ces verres gisait, à jamais, l’unique clé de son identité (p.491)

Une lecture certes souvent ardue qui demande un effort certain de concentration, mais quelle splendeur ! Ce texte, comme beaucoup de chefs d’œuvres ne se laisse pas apprivoiser facilement. Pouvant se lire sous des angles différents niveaux, chacun peut y trouver ce qu’il est venu y chercher.

À lire et à relire.

Sylvaine

Extrait :

M Laruelle vida son verre. Il se leva et s’en fut au parapet… Ce qui était passé il y avait juste un an aujourd’hui lui paraissait déjà d’une autre ère. L’on eût cru que cela se perdrait comme une goutte d’eau dans les horreurs du présent. Il n’en allait pas de la sorte. Bien que toute tragédie fût en passe de perdre sens et réalité, il semblait encore permis de se rappeler les jours où une vie d’homme gardait quelque valeur, et n’était point une simple coquille dans un communiqué. Il alluma une cigarette. Loin à sa gauche, au nord-est, au-delà de la vallée et des contreforts en terrasse de la Sierra Madre orientale, les deux volcans, le Popocatepetl et l’Ixtaccihuatl, s’élevaient magnifiques et précis dans le soleil couchant. Plus proche, distant de quinze kilomètres peut-être et plus bas de niveau que la grande vallée, il discerna le village de Tomalin, niché derrière la jungle, d’où montait une mince écharpe bleue de fumée illicite : quelqu’un brûlait du bois pour faire du charbon. Devant lui, de l’autre côté de la grand-route américaine, s’étendaient des bosquets et des champs à travers lesquels ondulaient une rivière et la route d’Alcapacingo. La tour de guet d’une prison émergeait d’un bois entre la rivière et la route, qui se perdait ensuite là où les collines violettes d’un Paradis à la Doré dévalaient au lointain. En face dans la ville, les lumières de l’unique cinéma de Quauhnahuac, bâti à flanc de coteau et ressortant nettement, s’allumèrent, vacillèrent, se rallumèrent. « No se puede vivir sin amar » dit M Laruelle… Comme cet estupido l’avait inscrit sur ma maison…

Au-dessous du volcan
Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry - Éditions Folio Gallimard - 635 pages
Traduit de l'anglais par Stephen Spriel