Ce roman commence à la manière de certains grands classiques — je pense à Manon Lescaut et aux Liaisons dangereuses — dont les premières pages semblent viser à assurer l'authenticité du récit en racontant les circonstances dans lesquelles le narrateur aurait eu connaissance des événements dont il sera question dans le roman. La narratrice de Chaleur et poussière (dont le prénom restera inconnu, me semble-t-il) va se servir de la correspondance d'Olivia qui lui a été transmise pour raconter son histoire en alternance avec le récit de son propre voyage en Inde. Dès le premier paragraphe de cette mise en contexte placée au début du roman, l'essentiel de l'intrigue est dévoilé. La lecture de ce roman n'offrira donc guère de surprises ! C'est à tout le moins étonnant pour un livre ayant reçu le Booker Prize, le plus prestigieux prix littéraire anglophone.

Le seul fait notable raconté dans le roman est donc le jeu de séduction entre Olivia (qui est mariée à Douglas Rivers) et le Nawab de Khatm. Je pense que j'aurais été beaucoup plus intéressé par ce roman si les parties se passant en 1923 avaient été constituées des lettres envoyées par Olivia à sa sœur Marcia. Peut-être que sa découverte d'un nouveau pays, son ennui, l'arrivée de nouvelles distractions avec le Nawab m'auraient davantage intéressé si leur récit n'avait pas été affadi par la narration impersonnelle qu'en fera la jeune anglaise qui se plongera dans la correspondance d'Olivia quelques décennies plus tard.

La lecture du roman n'est toutefois pas déplaisante. L'auteure a situé son histoire dans la ville de Satipur et le palais de Khatm, deux lieux inventés. Elle a imaginé une généalogie pour le Nawab, des traditions locales, des lieux de pélerinage, etc. La lecture des lettres d'Olivia et le voyage entrepris par la narratrice lui permettent d'imaginer les changements qui se sont opérés à Satipur depuis 1923. Ces comparaisons, le nouveau contexte social, les personnages secondaires de ces parties du récit situées après l'Indépendance m'ont bien davantage intéressé que l'histoire d'Olivia et du Nawab.

Joël

Extrait :

Elle se serra plus étroitement contre lui. Elle désirait tant être enceinte ; tout serait bien alors — il ne changerait pas, elle ne changerait pas, ils seraient comme prévu.
― Attends un peu, dit-il, ça ira.
― Tu penses ?
― J'en suis certain. »
Elle s'appuya sur son bras robuste et sortit avec lui devant la maison. Bien qu'il fût encore très tôt, l'air était lourd.
« J'aurais souhaité que tu ailles à Simla.
― Loin de toi ? ― C'est tellement mal pour toi ici. Cet affreux climat.
― Mais je me sens bien ! » Elle rit — parce que c'était vrai.
Il pressa son bras avec gratitude : « Si je peux m'échapper, nous irons tous les deux.
― Tu penses que tu pourras ?... Oh ! ne le fais pas pour moi, je suis très bien ici... cela ne me dérange pas... vraiment non. Je suis bien. », répéta-t-elle.
Il s'exclama sur son courage.

Chaleur et poussière
Chaleur et poussière de Ruth Prawer Jhabvala, traduit de l'anglais par Nicole Ménant, Bibliothèque cosmopolite Stock ou Phébus libretto, 237 pages.