Alexis Kandilis est un célébrissime chef d'orchestre. Depuis des années il rencontre la gloire à chaque représentation, dans les plus grandes salles du monde. Son plus grand triomphe serait de se voir attribuer le fameux B16, à savoir l'enregistrement de l'essentiel de l’œuvre de Beethoven. Se serait sa consécration comme plus grand chef vivant.

Oui mais voilà. Tout dérape du fait d'une indélicatesse lors d'une répétition à Paris. Tout son monde s'écroule autour de lui. En temps normal déjà difficilement supportable, son entourage ne comprend pas ses réactions, ne le reconnaît plus. A commencer par sa mère Clio, très possessive et qui a tout sacrifié pour son fils. Sa femme Charlotte, effacée, jouant à la femme du monde pour oublier un mariage déséquilibré. Pierre son fils, « la partie non essentielle de l'équation » et content de cet état de fait tant il n'a jamais rien partagé avec son célèbre père. Et tous les autres qui tournent autour du Maestro : l'agent, le biographe, les riches connaissances de pocker.

Et pourquoi les Kindertotenlieder – les chants des enfants morts - de Gustav Malhler reviennent-ils en ritournelle obsédante ?

Tout tourne autour de ce personnage imbuvable, tout occupé qu'il est de lui-même. Odieux, vaniteux pour ne pas dire infecte. On sait que l'on guérit difficilement voire jamais des souffrances de son enfance. Alexis Kandilis, si grand soit-il, en est un parfait exemple. Que veut nous dire M. Arditi ? Que des malheurs qui nous tombent dessus, si on les transcendent, peuvent servir de terreau à une nouvelle vie ? Tout cela pour cela ? De la philosophie sans grand effort ?

J'avoue avoir peu apprécié cette histoire, tant j'ai réellement détesté le personnage. De plus, cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant ennuyée lors d'une lecture. J'ai pourtant été jusqu'au bout pour tenter de trouver quelque chose d'accrocheur. Peut être tout ce qui tourne autour de la musique. Non rien. C'est trop long, trop surfait, convenu, un psychiatre vraiment pas crédible, une dernière partie presque malsaine et dans laquelle on se complait.

Une grosse déception surtout après le plaisant Le Turquetto. Dommage.

Dédale

Du même auteur : L'imprévisible, Le Turquetto.

Extrait :

La répétition se passa mal.
L'article du Monde avait circulé, c'était sûr.
Alexis avait multiplié les compliments aux musiciens, poussé au dialogue, posé des questions directes. Mais il n'avait reçu en retour que des réponses courtes, réservées.
Il s'était alors décidé à libérer l'orchestre vingt-cinq minutes avant l'heure, sans autre motif que de les acheter.
Mais rien n'y avait fait. L'atmosphère était restée glaciale et il avait quitté la Fenice dans une colère rentrée.
Ces musiciens n'étaient que des ingrats. Et des idiots. Il leur donnait l'occasion de jouer le Requiem de Berlioz pour la première fois de histoire. Une œuvre majestueuse. Hors norme ! Et quelle était leur réponse à ce cadeau ? De l'hostilité !
De la Fenice jusqu'au Gritti, il pressa le pas, le regard à terre, mâchoires serrées ? La vérité, c'est qu'il était trop gentil. Et trop généreux ! Il donnait tout. Son temps, son talent, sa notoriété, son savoir…
Il essaya de se raisonner. L'humeur des musiciens n'était rien. Pas même un incident. Dans quelques semaines, l'annonce du B16 confirmerait son statut de plus grand chef vivant. Les choses seraient alors mises au point pour longtemps.

Prince d'orchestre
Prince d'orchestre de Metin Arditi - Éditions Actes Sud - 384 pages