Parmi les clients du Paradise, l'auteur s'attache plus spécifiquement sur Craig, professeur de littérature française américain. Craig semble toujours en colère, grognon à l'esprit caustique. On appréciera ses pointes bien senties sur le fonctionnement de la BNF (la nouvelle). Ça vaut que l'on s'y arrête.
Très vite, Craig repère et aborde Elena, la belle italienne de la chambre 203. Elle est mariée et travaille dans la mode, toujours entre deux avions entre Paris et Florence.
Ces deux là sont pris au piège de la conversation d'un client, un italien polygame. Dans les palaces, on croise de drôles d'oiseaux.
Tout ce petit monde est observé par Sébastien, le réceptionniste que personne ne voit mais qui lui observe tout et n'en pense pas moins. « J'affecte à leur égard la sagesse bouddhique d'un tenancier de maison close. »

Le décor est planté, les personnages principaux présentés. Et vogue le Paradise, qui n'est pas « un Palace, mais un bateau immense, industriel et poétique, qui s'est échoué par hasard sur une rive de la Seine. »

Je n'en dis pas plus. Sauf peut-être que ce premier roman est frais, plaisant comme tout entre sobriété de style et humour saupoudré juste ce qu'il faut. C'est un roman enlevé que l'on pourrait aisément transposer au théâtre tant tout est dans les regards croisés, les points de vue différents des clients, les pointes caustiques de Craig.

Sous ces regards croisés, on en apprend sur les suspects, les aspirations des uns et des autres. Comme les journalistes, chacun élabore son hypothèse. Le crime de la chambre 205 sera-t-il élucidé ?
Après quelques pirouettes amusantes, finalement l'assassin n'est pas là où on l'attend et le lecteur comme le hasard s'amusent bien.

Assurément un premier petit roman pas piqué par les vers. A déguster sans façon.

Dédale

Extrait :

L'assassin devait avoir de solides raisons de haïr sa victime. A mon sens, il l'a assommée par colère. Il a tranché sa gorge pour se donner le frisson de l'arme blanche. Et, comme le sang continuait de couler, l'a finalement étouffée. Assommé comme un bœuf, saigné comme un porc, contrait d'ingurgiter sa cravate comme on ravale ses ambitions, ce client riche mais infortuné a dévalé en un instant toutes les marches du piédestal où le sort l'avait placé. Difficile d'imaginer autre chose qu'une vengeance, dont l'exécution a été rapide comme l'éclair et facile comme un pied de nez.
C'est un criminel au cœur léger qui a dû quitter la suite 205. Aurait-il croisé quelqu'un dans l'ascenseur que son front lisse et sa mise impeccable n'éveillaient aucun soupçon. Il devait être aussi anonyme que l'homme à chapeau melon dont Magritte dissimule le visage derrière une pomme verte. Je l'imaginais, méticuleux, irréprochable, les traits absolument masqués par la rondeur et la couleur du fruit.
Seule certitude : l'assassin à la pomme verte n'a pu quitter l'hôtel, lundi soir, qu'en passant devant la réception. J'ai donc nécessairement vu glisser sa silhouette devant le comptoir où je suis assigné à résidence.

L'assassin à la pomme verte
L'assassin à la pomme verte de Christophe Carlier - Éditions Serge Safran - 179 pages