L'ouvrage se présente sous la forme de courts chapitres, qui traitent chacun à leur tour les rapports d'une population avec la ville. L'ouverture se fait sous la forme de souvenirs d'une petite fille, rapportés de façon décousue. Elle se remémore les clefs qu'elle portait autour du cou, les bonbons achetés à la boulangerie ou ses camarades de classe.
Puis on commence à visiter la ville. D'abord de façon souterraine, en suivant le cours du métro. Amandine Dhée se livre à une description hilarante du fonctionnement des infrastructures de transport, ironisant sur les multiples messages constamment délivrés au passager, en imaginant d'autres qui pourraient être plus utiles. Elle interroge également le lecteur sur ses déplacements et leur but, se moquant au passage des enquêtes de satisfaction menées auprès des passagers.
Le ton de l'ouvrage est alors donné : c'est celui d'un regard neuf et iconoclaste sur la ville, qui se mêle à l'écriture très drôle de l'auteur. On visite ensuite la ville à travers les besoins des enfants. Amandine Dhée imagine à ce propos un dialogue savoureux où les têtes pensantes cherchent comment concilier espaces de jeux et histoire sociale du Nord-Pas-de-Calais. Cela aboutit à un terril en bulgom, que le visiteur attentif de Lille pourra effectivement trouver au cœur du parc Jean-Baptiste Lebas, à quelques mètres de la mairie... Ce sont ensuite les personnes âgées qui ont droit à l'attention de l'auteur.
Mais fondamentalement, ce qui intrigue Amandine Dhée, ce sont les relations avec autrui. Elle y consacre un chapitre, essayant notamment de rencontrer l'homme de sa vie en laissant tomber son mouchoir. Elle tient alors un compte-rendu de ses diverses expériences, souvent non concluantes. Puis on s'intéresse à ce que mange la ville, là où elle se restaure et fait ses achats. La conclusion de cette première partie de l'ouvrage aboutit à une réflexion sur la volonté ou non de quitter la ville, trop vue, trop connue, trop parcourue.
L'ouvrage se termine par des portraits. Celui du boucher raciste, chez qui il y a la queue, qu'on veut boycotter par principe mais qu'on est obligé de côtoyer. Celui du primeur qui s'est implanté dans ce quartier, qui garde constamment un sourire béat mais dont on se demande pourquoi il a choisi cet endroit pour s'installer.
La lecture ce cet ouvrage est un vrai plaisir. Il est d'ailleurs augmenté par la version audio de l'ouvrage, disponible sur l'ouvrage de l'éditeur (gratuit en échange d'une réponse à une question facile pour tout détenteur de l'ouvrage). La version audio est un mélange de lecture par l'auteur et de remarques sur sa construction. Un complément tout à fait judicieux. Ceci me permet de souligner le beau travail de la maison d'édition, La contre-allée, dont je reparlerai très certainement par ici.
Autre roman de l'auteur : Et puis ça fait bête d'être triste en maillot de bain
Extrait :
Quand il se produit des accidents près de moi, y'a comme une angoisse qui me monte au ventre. Pas à cause de l'accident, mais parce que j'ai passé mon brevet de secourisme il y a quelques années et que j'ai donc pour devoir d'intervenir dans ces cas-là c'est écrit dans le guide.
- Oui d'accord mais le problème c'est que je me rappelle plus vraiment enfin plus exactement les manœuvres qu'il faut faire ça devient de plus en plus flou dans ma tête alors j'ai peur de faire un geste qui achève ce pauvre type
- Oui d'accord mais d'un autre côté les gens à côté de lui ils sont peut-être encore pires que moi peut-être que eux ils ont même fait aucune formation alors faut que j'y aille bon sang.
- Oui d'accord mais mais attends la Position Latérale de Sécurité c'est comment déjà je crois qu'il y a un truc avec le bras je ne sais plus je devrais peut-être aller chercher dans mon bouquin il doit être quelque part dans la cave.
- Non mais attends ça sert à rien voyons... c'est une urgence vitale !Je déconseille à qui que ce soit de passer le brevet de secourisme, c'est beaucoup trop angoissant.
Du bulgom et des hommes d'Amandine Dhée - Éditions La contre-allée - 120 pages
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