Le projet initial de l’auteur-narrateur est d’écrire l’histoire de sa famille – souvent des marin-pêcheurs - sur trois générations, mais de façon non linéaire et traditionnelle. Pour ce faire, il procède par anecdotes racontées par les siens ou des amis, utilise des souvenirs personnels, des lettres, des courriels, des journaux intimes, sans souci temporel. Des personnages liés de près ou de loin à sa famille apparaissent, tel le peintre Aurelio Arteta dont la reproduction d’une fresque figure dans le livre, et son ami l’architecte Ricardo Bastida, créateur du siège de la Banque de Bilbao à Madrid. Mais les véritables héros de ce livre, ce sont le père et le grand-père de l’auteur, sur lesquels il s’interroge, sans avoir de réponse. Tout cela forme une mosaïque vivante et colorée, mais d’intérêt inégal, structurée par le voyage en avion qu’effectue l’auteur, de Bilbao à New York via Francfort, racontée de façon précise et parfois prosaïque : « Je regarde les gens dans l’avion. La majorité d’entre eux s’est endormie. Renata aussi. Des gens de tous les coins du monde réunis dans cette cabine d’avion. »
Pari tenu ? oui et non : des pages émouvantes (le journal que tient la mère de l’auteur depuis la mort de son mari, pour ne pas rompre le lien entre elle et le disparu) voisinent avec d’autres que l’on oublie vite. Des pans de l’histoire du Pays Basque, douloureux comme la Guerre Civile ou les attentats de l’ETA surgissent au milieu d’historiettes banales. Ce qui me restera cependant, c’est l’hommage aux marins basques qui partaient au péril de leur vie - la liste des naufrages est longue - pêcher dans les mers du Nord, et l’attachement de Kirmen Uribe à sa terre et à sa langue.
Marimile
Extrait :
Au début où je réfléchissais à mon roman, le personnage de mon grand-père Liborio me semblait à la fois encombrant et attirant. Mon propre grand-père avait opté, à un moment donné, pour le soulèvement franquiste, celui-là même qui engendra tant de barbarie. J’aurais pu parler de mon autre grand-père, Hipolito Urbieta, un homme entier et sage qui, comme beaucoup d’autres hommes du village, dut fuir en bateau à l’aube, peu avant l’entrée des troupes nationales, laissant seules sa femme et ses filles. Sa femme, ma grand-mère Amparo, celle qui se défendait contre les soldats italiens en brandissant une hache.
J’aurais pu parler d’Hipolito et taire l’histoire de Liborio. Mais le personnage de Liborio m’attirait beaucoup plus pour l’écriture de mon roman. Un personnage contradictoire qui soulevait en moi de nombreuses interrogations. Pourquoi un homme d’Ondarroa qui ne parlait presque pas le castillan avait-il soutenu le soulèvement ? Pourquoi s’engagea–t-il pour Franco quand son propre frère Domingo, avait embrassé la cause de la République ? Qu’est-ce qui le poussa réellement à prendre cette décision ?
Je ne le saurai jamais.
Bilbao-New York-Bilbao de Kirmen Uribe - Gallimard - 234 pages
traduit de l’espagnol par Gersende Camenen.
Commentaires
lundi 8 octobre 2012 à 21h28
Très intéressant, même si on peut avoir des réserves sur certains passages.
Mais le projet donne envie d'en savoir plus. Bonne idée d'attirer notre attention sur cet auteur qui est l’un des auteurs les plus prometteurs de la dernière génération d'écrivains basque.
Un auteur à suivre donc