Nul ne sait plus qui a inventé la machine. Ni même comment elle fonctionne vraiment. Il en existe plusieurs. Il suffit de s'y faire piquer le doigt pour qu'un échantillon de sang soit récupéré et analysé.
Puis la sentence tombe. Un mot. Un seul, sur un bout de papier ou de carton, imprimé en grosses lettres. Ce mot apprend aux gens comment ils mourront.
Mais il y a des inconvénients : Les prédictions de la Machine sont vagues, frustrantes, et paraissent jouer des ambiguïtés du langage. «VIEILLESSE», comme on l'a constaté, peut signifier aussi bien mourir de causes naturelles, que se faire tirer dessus par un vieillard grabataire lors d'une tentative de cambriolage.
A contrario, l'un des rares avantages est que toutes les machines prédisent la même chose. C'est au moins ça de positif sur la médecine d'aujourd'hui...

Voici un petit OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) édité par Fleuve Noir, dont les auteurs sont inconnus (ou du moins très peu connus) de ce côté de l'atlantique.

D'ailleurs, il s'agit d'un travail collectif, puisque cet ouvrage est en réalité un recueil de nouvelles dont le seul lien entre elles est justement cette Machine à écrire la mort.
Il est difficile de parler de ce recueil car comme il s'agit de textes recueillis, il n'y a pas un seul style, ni une manière de raconter. Mais loin d'être gênante, cette diversité maintient l'intérêt du lecteur tout au long des nouvelles et amène même un plus à cet univers déjà déjanté par la multiplication des points de vue et des événements évoqués.

Si sur la forme il est difficile de parler du recueil, on peut au moins aborder le fond. Et cette notion de machine à écrire la mort est assez délicate à aborder car elle renvoie à une interrogation mainte et mainte fois exploitée : comment réagit l'homme quand il sait comment il va mourir. Que l'on se réfère seulement, à ce sujet, à la licence de films Destination Finale dans lesquels la Mort s'ingénie à tuer ceux qui ont prévu et déjoué ses plans.

Je n'en dirais pas plus car il y a peu à dire au final. Sinon, ce serait gâcher le plaisir de la découverte. Mais bon, un recueil qui mêle ironie, humour noir, cynisme, réflexion sur la mort et introspection, moi je dis que ça se tente.
Alors, à vos machines ! Et survive qui pourra...

Cœur de chêne

Extrait :

Extrait de la nouvelle Anévrisme, par Alexander Danner

Elle prit le drap par les coins et, ajoutant malgré tout un aspect théâtral à la chose, le tira d'un coup par-dessus sa tête, ce qui faillit lui coûter de renverser le vase de tulipes posé sur la télé.
L'assistance, satisfaite, put reprendre son souffle.
Ils reconnaissaient tous la Machine, bien entendu. Ils en avaient vu à la télévision et dans des films, dans le cabinet de leur médecin ou dans les pharmacies. Certains d'entre eux s'en étaient même déjà servis. Mais quand même, c'était étrange d'en voir une sur un chariot dans le salon de leur amie.
— C'est bien ce que je crois ? demanda Melvin, qui refusait de croire à l'évidence.
— Ça dépend, répondit Norma. Tu penses que c'est une Machine de la Mort ?
— Oui ?
— Oui, c'est bien ce que tu crois.
Un sourire diabolique s'épanouit sur son visage. Elle était contente d'avoir médusé ses invités. [...]
Là-dessus, elle entreprit de dérouler le câble d'alimentation accroché à l'arrière de la Machine et de brancher celle-ci à une prise libre derrière la télé. Quand elle eut terminé, elle appuya sur le bouton d'allumage. Les mécanismes internes firent un peu de bruit, le temps de mettre en place une aiguille neuve.
La petite lumière rouge passa bientôt au vert.
La Machine était prête à jouer son rôle de divertissement et à distribuer ses petites visions laconiques du futur.

La machine à écrire la mort
La machine à écrire la mort textes recueillis par Ryan North, Matthew Bennardo et David Maliki - Éditions Fleuve Noir - 512 pages
Traduit par Maxime Berree