Maryline a repris dix ans plus tôt une petite librairie dans le centre de Bruxelles et lui a donné le nom de Matins, en hommage à un homme rencontré dans un train. Quand le récit commence, Marilyne est plongée dans la lecture d'un court roman, Dans un train, et n'entend pas l'arrivée d'un nouveau client. Séduit par la lumière qui baignait la librairie et sa propriétaire, il a poussé la porte et après quelques mots échangés s'en retourne avec un exemplaire du roman qui captivait tant Marilyne.
Ce qui la troublait autant, c'est que l'auteur de Dans le train semble raconter un épisode douloureux de sa propre histoire. Tout y est raconté dans les moindres détails. Comment a-t-il pu savoir tout cela ? En plongeant dans ce roman, Marilyne va revivre tout un pan de son existence, intimement lié à sa situation actuelle.

L'idée de ce roman est séduisante et les mises en abîmes, quand elles sont réussies, apportent souvent aux intrigues une richesse et une épaisseur très intéressantes. Seulement voilà… la magie ici n'a pas opérée pour moi. Il y a d'abord cette volonté louable mais maladroite de vouloir soigner la langue et de s’enferrer dans des constructions bancales, des métaphores guimauves ou des images répétitives. Par exemple, user de la périphrase un jardin de livres pour évoquer le négoce de Marilyne était une bonne idée. Mais l'employer plus de trente fois dans le roman devient vite lassant pour le lecteur.

De même, les bons sentiments ne font pas malheureusement pas forcément les bons romans. L'auteur cite souvent Christian Bobin, et c'est un amour littéraire que nous partageons, mais il y a chez Bobin une grâce et une légèreté qui manquent cruellement ici. J'ai trouvé les personnages caricaturaux (amis libraires, avez-vous réellement le temps, comme Marilyne, de lire dans vos magasins ?) et l'intrigue un peu trop mièvre à mon goût. Comme si l'auteur s'était senti obligé d'ajouter une dose de miel à un dessert déjà très sucré.

Laurence

Extrait :

Elle regarde l'homme sortir en serrant son livre dans la main. Au moment où il passe la porte, le vent qui s'est levé fouette ses cheveux, tord le col de sa veste et lui fait plisser les yeux. Le soleil l'accompagne et éclaire les grains de poussière soulevés qui pourraient entourer son client d'un flou ombragé s'ils étaient plus nombreux. Elle est heureuse d'avoir pu, sans le chercher, amener quelqu'un à acheter ce récit qui la bouleverse, elle est heureuse d'avoir pu faire voyager vers un inconnu une œuvre de cet auteur surgi ce matin dans son existence comme un coup de poing.
Par la vitre qui donne sur la rue, elle voudrait suivre celui qui s'est promené avec tant de discrétion en son jardin de livres, sans savoir qu'y acquérir et découvrant grâce à elle cette histoire de la rencontre d'un homme et d'une jeune femme dans un train. Ce livre est entré dans sa vie comme une présence ; elle ne trouvera pas d'autre mot pour mieux en parler.

Jolie libraire dans la lumière
Jolie libraire dans la lumière
de Franck Andriat  - Éditions Desclée de Brower  - 146 pages