Les romans dont on dit qu'ils ont une écriture poétique ne sont généralement pas de grands moments de lecture pour moi. J'aime quand la forme et le fond sont de qualité et s'allient pour donner de la force à un ouvrage. Je suis donc rentré à tâtons dans le roman de Thomas Vinau, mais ai été séduit par l'écriture et la narration de ce court roman.
Ici ça va
. Ce sont les premiers mots du roman. Celui qui les prononce est un jeune homme. Il a décidé de s'installer avec sa compagne, Ema, dans la maison où il a grandi. Outre les travaux de rénovation ou de jardinage nécessaires pour occuper la maison, ce retour est également pour le narrateur une façon de se retourner sur son histoire personnelle. Car cette maison, c'est celle de ses parents, et elle reste la trace d'un moment familial douloureux. C'est cette brèche que tente de combler le narrateur en s'y installant de nouveau.
L'histoire n'est pas forcément originale, et n'est pas sans me rappeler l'excellente bande-dessinée de Manu Larcenet, Le combat ordinaire. Mais la force de ce roman et l'attrait que j'y ai trouvé résident dans les choix de narration. Elle se fait par courts chapitres, qui sont des instantanés de la vie nouvelle de ces jeunes citadins. On se promène dans le jardin ou dans la maison, on retrouve avec le narrateur des objets qui ont marqué son enfance. Tout ceci est servi par une écriture toute en douceur, en impressions, et je me suis laissé baigné par cette ambiance.
Mais le roman n'est pas qu'une succession de tableaux impressionnistes plus ou moins colorés. C'est également la confrontation entre un jeune adulte et un passé auquel il doit se confronter pour avancer. On découvre lentement, par touches, le drame familial qui a été une étape décisive dans sa construction. Et la venue de son frère, à la fin du roman, montre qu'une nouvelle marche a été montée. Un très beau roman.
Du même auteur : Nos cheveux blanchiront avec nos yeux
(Les avis des autres membres du jury des Biblioblogueurs en suivant ce lien et ceux du jury des lecteurs dans les commentaires du billet)
Extrait :
Je me méfie. J'ai toujours peur que ça ne dure pas. Dès qu'il y a un moment de bonheur, de paix, je me répète que ça ne durera pas. Que le temps est un menteur. Qu'avoir quelque chose, c'est commencer à le perdre. C'est comme cela que je fonctionne. C'est ce que la vie m'a appris. Si tôt. La perte. Le peu de fois où je l'ai oublié, le boomerang m'est revenu dans les dents. C'est ainsi que les crises ont commencé, je crois. En oubliant trop tout ce qu'il y avait à perdre. En se voilant la face. En se forçant à croire. La confiance ne se déclame pas. Il faut l'apprendre. Tout doucement. Il faut que quelqu'un d'autre vous l'apprenne. A grands coups de demains et de câlins.
Ici ça va de Thomas Vinau - Éditions Alma - 140 pages
Commentaires
mercredi 7 novembre 2012 à 10h23
Billet tentant. Bel extrait. Je crois que je vais me mettre en quête d'"Ici ça va".
mercredi 7 novembre 2012 à 17h42
Sa première publication chez Alma m'avait laissé un sentiment mitigé : un peu perplexe pendant la première partie, j'avais ensuite été charmée par son écriture. Du coup, j'ai bien envie de retenter.
lundi 12 novembre 2012 à 20h56
Merci, Yohan, pour ce billet. J'ai lu ce roman de Thomas Vinau, cet hiver, et j'en ai été enchanté. Tu montres très bien que l'écriture poétique n'est pas ici gratuite, simple poudre aux yeux : elle crée un univers, elle le nourrit ; elle fait sentir l'ambiguïté, elle dit doucement, mais avec une grande force, ce que d'autres crieraient. On en est davantage touché.
mercredi 14 novembre 2012 à 08h24
Merci à toutes les trois pour vos réactions.
Pour Sylvie et Laurence, je vous conseille vivement d'essayer cette lecture qui m'a beaucoup plu et touché.
En effet Jnf, l'écriture poétique n'est pas vaine ici. J'ai trouvé qu'elle s'alliait parfaitement avec le fond du texte, et cela donne un très beau roman.
mercredi 5 juin 2013 à 16h32
Une lecture intéressante, mais qui ne m'a pas vraiment touchée.
Un extrait de mon billet de blog :
''Ce court roman aux chapitres tout aussi courts est une histoire de l'absence et du souvenir. Le titre a valeur d'incantation : plus qu'une information donnée à l'autre, c'est un espoir que l'on exprime, une promesse que l'on se fait. En retrouvant la maison de son enfance, le narrateur trouve enfin le lieu qui lui correspond. Et qu'importe si certains souvenirs font défaut : Ema est là pour en créer d'autres, pour peindre sur les murs une nouvelle histoire.
Très intime, voire intimiste, ce récit à la première personne est fortement tourné vers la nature et le lendemain. Certaines phrases sont particulièrement touchantes, mais je ne peux pas dire que j'ai été vraiment transportée par ce roman. Cela tient peut-être au fait que j'ai des centaines de souvenirs de mon père et qu'il ne m'a pas encore quittée. Et peut-être n'ai-je pas été sensible à la gravité fugace que l'auteur tente de partager : celle de l'existence et du renouveau. Toutefois, Ici ça va est un texte empreint d'une grande sensibilité et d'une profonde finesse. Des âmes plus sensibles ou plus nobles que la mienne ne pourront qu'aimer ce récit.''