Comme souvent, dans les romans noirs, on retrouve un flic. Ici, il s'agit de Derrick Krieger, un type odieux qui est poursuivi par toute la ville car il est à l'origine d'émeutes urbaines dans les quartiers : il a abattu un jeune noir qu'il embauchait pour ses trafics. Il a également un intérêt malsain pour une petite fille de douze ans. Sa mère, Sarah, vient d'être retrouvé morte. Le père de Sarah, Pike, un ancien truand, décide de faire la lumière sur la mort de sa fille. Assisté de Rory, son ami, il se met à la recherche des connaissances de sa fille qu'il avait perdu de vue. Mais il n'oublie de protéger sa petite-fille des mauvaises intentions de Krieger.

L'intrigue est un peu complexe, et les protagonistes sont très nombreux : on croise des prostituées, amies de Sarah. Le jeune Bogey, une tête brûlée qui ne jure que par l'héroïne et qui prend soin d'un muet en fauteuil roulant, accompagne Pike et Rory pendant une partie de leur quête. Mais le point commun de tous ces personnages, c'est qu'ils sont aussi bêtes, méchants et corrompus les uns que les autres. Alors que le lecteur peut parfois se prendre d'empathie pour le personnage principal, ce n'est pas le cas ici. Pike est certes une victime, mais il n'est pas pour autant recommandable et très sympathique.

Si j'ai trouvé le début du roman très efficace, avec une intrigue qui rentre immédiatement dans le vif du sujet, je me suis un peu perdu en cours d'ouvrage dans l'intrigue. C'est surtout dans la troisième partie, une fois la raison de la mort de Sarah découverte, que j'ai trouvé l'intrigue plus faible. En fait, c'est le personnage de méchant absolu, ici incarné par Derrick Krieger, qui est à mon avis mal exploité. Il apparaît de loin en loin dans l'intrigue et j'ai eu du mal à suivre son évolution et ses raisons d'agir.

Après, il faut rendre à Benjamin Withmer sa capacité à rendre haletante cette histoire, qui fait qu'on y plonge avec plaisir. Il est également très fort pour décrire des scènes qui seraient certainement assez insoutenables si elles étaient portées à l'écran. Je pense notamment à la scène de combat dans un bar, qui décrit avec une profusion de détail une bataille au pistolet. Si vous aimez les rencontres avec des personnages antipathiques et les plongées dans un univers sordide et violent, alors, ce roman est pour vous !

Yohan

Extrait :

L'homme devrait s'effondrer. Mais non. Le sang gargouille de son nez, dégouline sur sa chemise. Ses yeux bouillonnent de rage et tout son corps se tend pour jaillir sur Rory. Rory esquive un swing du droit trop ample mais ne voit pas le couteau qui arrive juste après, fendant les airs en un arc brisé.
L'arme de Pike fait feu, tonne. La balle de .357 heurte son torse noir comme un coup de masse, aspirant chair, sang et air en un trou vaporeux qui explose dans son dos. Il titube d'un pas vers Rory, couteau toujours brandi. Pike fait feu de nouveau, il vise le genou cette fois. L'homme s'effondre, tibia sanglant et pied tordu pendouillant sous sa jambe, uniquement rattachés par un ruban de peau. Il tente de crier, tente de hurler mais aucun son ne sort. Le trou dans son torse mousse et gargouille. Alors il meurt.
Rory tourne la tête, vomit.

Pike
Pike
de Benjamin Whitmer - Éditions Gallmeister - 272 pages
Traduit de l'américain par Jacques Mailhos