Paris, 1633.
Alors que le royaume est sur le point d'entrer en guerre pour conserver ses frontières, voire pour en repousser d'autres, la diplomatie arrive à ses dernières limites. Les relations avec l'Espagne, notamment, sont extrêmement tendues, en raison de la présence au sein même de la cour espagnole d'une société secrète baptisée La Griffe Noire. Cette société, gangrénant les plus importantes cour d'Europe, a pour objectif affiché de rasseoir sur l'Europe la suprématie des Dragons.
Dans le secret de la nuit, le Cardinal de Richelieu reçoit le Capitaine La Fargue pour lui ordonner de reformer les Lames. Une troupe d'élite que le Cardinal a désavoué cinq ans plus tôt lors du désastreux siège de La Rochelle, durant lequel un membre des Lames a trahi les siens.
La Fargue va donc reformer son groupe et se remettre aux ordres de Son Éminence.
Leur mission : sauver la France.
Dans le milieu de l'imaginaire français, on ne présente plus Pierre Pevel.
Auteur-conteur, il se plaît à faire revivre des périodes historiques en les teintant de fantastique. Ainsi dans sa trilogie de Wielstadt, nous sommes en pleine guerre de Trente Ans, en 1623. Un autre de ses cycles nous propulse dans le Paris de la Belle Epoque, mais en y regardant de plus près, la tour Eiffel est bâtie dans un bois blanc
comme neige, des sirènes se baignent dans la Seine, chaque fontaine a
son ondine, et que dire des arbres philosophes, des chats ailés, des
farfadets du bois de Vincennes ou des clubs de gentlemen-magiciens !
Et dans Les Lames du Cardinal, nous voici donc en plein milieu de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) au cœur des relations diplomatiques houleuses entre l'Espagne et la France.
Il est à noter que ce premier volume de la trilogie a été extrêmement bien accueilli et récompensé, en France par le Prix Imaginale des Lycéens 2009 et aux USA par le prix Morningstar du David Gemmell Award. Deux récompenses prestigieuses qui ne sont pas usurpées.
Pierre Pevel plonge son lecteur dans le Paris du XVIIè siècle, avec des descriptions très précises des us et coutumes de l'époque, de l'architecture et jusque dans le détail des ruelles et des façades de maisons. Loin d'incommoder le lecteur, ces passages sont à la fois des pauses bienvenues dans l'aventure, ainsi que de précieux renseignements pour qui aime à s'immerger dans un univers.
Le petit plus de ce récit est la présence du fantastique. Car Pevel est un auteur de Fantasy et compte bien le rester. Nous avons donc du dragon au menu...
Mais qu'on se rassure. Ces dragons-là savent se tenir. Pour tout dire, ils ont même pris apparence humaine, afin de mieux s'infiltrer et, par-delà, contrôler le monde. Vaste programme en vérité. Et c'est bien pour ça que la France a besoin de ses Lames.
Le roman, relativement court, passe très vite. Sans être un page-turner, l'histoire prend tellement et les personnages sont si sympathiques que leur sort nous préoccupe. On ne pose le roman qu'à regret, une fois fini.
L'intrigue est servie par une écriture fine que n'aurait sans doute pas renié un Dumas. Le mot est juste, l'expression facile, la répartie aisée. Le tout dans un tourbillon de capes et d'épées.
C'est là, assurément, un livre à lire, à découvrir et à partager autour de soi. Et fort heureusement, la trilogie est complète, nul besoin d'attendre pour se les procurer. Un vrai plaisir de lecture.
Extrait :
— Mais tu as bu, Nicolas ! s'inquiéta d'Orvand en flairant son haleine.
— Non ! s'insurgea un Marciac très choqué... Enfin... A peine.
— Avant un duel ! C'est folie
— Ne t'alarme pas. Ai-je déjà perdu un duel ?
— Non, mais...
— Tout ira bien.
Près de l'autre carrosse, le marquis de Brévaux était déjà en chemise et esquissa quelques fentes.
— Bon, finissons-en, décréta Marciac.
Il ôta son pourpoint, le jeta dans le carrosse du vicomte, dit bonjour au cocher, s'inquiéta de sa santé, fût ravi d'apprendre qu'elle était excellente, surprit le regard de d'Orvand, ajusta sa chemise dans ses chausses, dégaina son épée et alla vers Brévaux qui marchait déjà à sa rencontre.
Puis, après quelques pas, il se ravisa, tourna les talons sans se soucier d'exaspérer plus encore le marquis, et glissa à l'oreille de son ami :
— Dis-moi juste une chose...
— Oui ? soupira d'Orvand.
— Promets-moi d'abord de ne pas te fâcher.
— Soit.
— Alors voila, j'ai deviné que je me bats contre celui qui est en chemise et me regarde d'un mauvais air. Mais pourrais-tu m'indiquer pourquoi ?
— Hein ? s'exclama le vicomte plus fort qu'il ne l'aurait voulu.
— Si je le tue, je lui dois bien de connaître le motif de notre querelle, ne crois-tu pas ?
Les mots manquèrent d'abord à d'Orvand, qui se ressaisit et annonça :
— Une dette de jeu.
— Quoi ? Je lui dois de l'argent ? A lui aussi ?
— Mais non ! Lui !... C'est lui qui... Bon, en voila assez. Je vais annuler cette folie. Je dirais que tu es souffrant. Ou que tu...
— Combien ?
— Hein ?
— Combien me doit-il ?
— Quinze cents livres.
— Diable ! Et moi qui allais le tuer !...
Joyeux, Marciac s'en retourna devant le marquis qui fulminait. Il prit la pose d'une garde incertaine et lâcha :
— A votre disposition, monsieur le marquis.
Les Lames du Cardinal de Pierre Pevel - Editions Bragelonne - 304 pages
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