D’un côté une famille de paysans auvergnats : le père, pauvre mais travailleur, la mère, qui a hérité des terres, et les deux fils : Franck et Alexandre.
Franck, c’est le personnage principal, celui qui a fui la vie à la ferme pour devenir cameraman à Paris, et qui va pour l’instant de film en film en tant que cadreur.
De l’autre, Louise, la belle-fille idéale, amoureuse de Franck, qui ne parle pas trop (une qualité, dans ce pays).
Seulement voilà. Tout est allé de travers dans cette famille, depuis qu’Alexandre, le deuxième fils, à qui revient logiquement de reprendre la ferme de ses parents en compagnie de Louise, s’est noyé lors d’une battue de nuit au sanglier.
De sangliers, il en sera beaucoup question dans cette histoire. Notamment depuis que les gens de la ferme au-dessus – les Berthier, les ennemis ancestraux – traquent un vieux mâle qui décime les récoltes.
Seul espoir au milieu de ce désastre familial (plus personne pour reprendre la ferme signifie vendre ou louer ses terres, un crève-cœur pour les parents) : un enfant de cinq ans. Louise est tombée enceinte d’une liaison de passage et a accouché d’un fils, qu’elle a prénommé Alexandre, en souvenir de son amour perdu, et qu’elle a confié à ses beaux-parents pour qu’ils élèvent le petit à la ferme.
Le livre alterne entre le point de vue de Franck – la descente de Paris en Auvergne en train et les souvenirs que ce trajet fait remonter - et celui de Louise qui, ayant perdu son premier et unique amour, va de petit boulot en mission d’Intérim à Clermont-Ferrand, tout en ayant perdu le fil et le sens de son existence.
Il aura fallu une bonne moitié du livre à Serge Joncour pour planter le décor. L’histoire se met lentement en place, avec des longueurs inutiles (le train de Franck arrêté en gare de Brive par exemple, pour nous amener à la vision d’une meute de sangliers dans la forêt). Serge Joncour nous mitonne un pot-au-feu auvergnat plutôt qu’une grillade rapide.
Le troisième tiers du livre va réunir – par hasard ? – Franck venu tenter de se réconcilier avec ses parents, Louise, venue en vacances voir son fils, et les fils Berthier grâce à une histoire de sangliers. Au milieu d’eux, le petit Alexandre fera des merveilles pour recoudre les fils des liens, distendus par le malheur, entre des êtres malmenés par la vie.
On ne refait pas sa vie, c’est juste l’ancienne sur laquelle on insiste.
Que les lecteurs ne se découragent donc pas : passée les deux tiers du livre, l’action va se révéler et le pot-au-feu auvergnat, qui a bien mijoté jusque là, va livrer alors toute sa saveur.
Alice-Ange
Extrait :
Là-dessus le môme sauta sur Franck pour chahuter et le renversa sur le lit. Franck dans un réflexe fut tenté de dire la phrase moralisatrice, ne mets pas tes pieds sur le lit, sois sage, et surtout de rétablir les choses du point de vue de la réalité filiale dans l’esprit de ce gosse, mais il était débordé par l’énergie de l’autre, il ne voulait pas le blesser, et surtout il retrouvait l’ivresse inédite du chahut, le plaisir de se laisser aller au jeu de la bagarre, sentir ce môme qui mettait toutes ses forces, alors que lui-même mimait d’être vaincu.
- Dis, je suis fort comme ton frère ?
- Je ne sais pas.
- Toi, t’es comme un tonton ?
- Ah bon ! j’ai pas vraiment réfléchi à tout ça.
Le môme se releva pour se placer face à Franck.
- Dis, tu sais que j’ai pas de Papa, moi ?
L'Amour sans le faire de Serge Joncour - Éditions Flammarion - 319 pages
Commentaires
mardi 8 janvier 2013 à 00h15
Pardon, je mets mon grain de sel, mais le Lot, ce n'est pas du tout l'Auvergne.
Et le pot-au-feu, pas franchement auvergnat, on parlerait plutôt de potée...
Mais bon. Le tout c'est de mettre en appétit !
SJ
mardi 8 janvier 2013 à 07h54
Pardon pour cette erreur géographique, et merci pour votre précision.
J'espère néanmoins que ce billet apéritif aura donné envie aux biblioblogueurs d'en savoir plus sur cette histoire et de sortir des sentiers battus pour porter leur regard vers le terroir ... la gastronomie n'étant pas que parisienne, sans aucun doute.
mercredi 16 janvier 2013 à 17h25
J'aime bien le titre... mais il est un peu mensonger, sans nul doute, "ils" vont finir par le faire... mais c'est mieux qu'ils ne le fassent pas dans le livre !
J'ai adoré les Berthier, le Rouge et son frère, des vraies mottes de terre compacte apparemment, sans états d'âme mais sentant les choses et manoeuvrant finement : ... "ils étaient déjà relancés dans le moment présent, sans le moins du monde s'encombrer d'ombres"...
Parfaitement crédibles.
Pas le petit Alexandre, il est "trop" tout, on n'y croit pas ; Louise et Frank sont des personnages un peu convenus... il y a cependant des passages percutants sur le fait de retrouver ce qu'on a fuit avec l'espoir (vain) que tout soit comme avant...
Voilà mon grain de sel dans la potée du Lot !
mercredi 16 janvier 2013 à 21h37
Oui Katedulub c'est vrai que ce livre réussit à nous faire passer des images du terroir qui sont très sensuelles. On partage aussi le quotidien de Louise qui vit en ville par obligation, mais qu'on sent reliée profondément à la terre - et ceux qui vivent cette situation la comprendront parfaitement.
Vous avez sans doute compris que j'étais moins sensible au scénario.
Mais en définitive cette cuisine concoctée dans le Lot - pardon pour l'erreur géographique - se laisse déguster pour peu qu'on y prenne le temps et qu'on ne soit pas pressé comme peut l'être un parisien ...
dimanche 12 janvier 2014 à 20h35
Editions de l'Aube ?? Flammarion, plutôt.
Mais bon, on n'est pas à une erreur près, n'est-ce pas ?