Viviane Elisabeth Fauville est le nom de l’héroïne. C’est une femme déstabilisée par la rupture d’avec son mari, par cet enfant dont elle ne sait pas toujours quoi faire. Son trouble est tellement fort que dans un accès d’inconscience, elle tue son psychanalyste avec un couteau. Viviane a du mal à reconstituer le fil des événements qui l’ont amené à cet acte funeste et se renseigne dans les journaux sur la progression de l’enquête.

L’ouvrage est assez original dans sa construction, s’orientant parfois dans le roman noir sans y entrer pleinement (comme de nombreux romans publiés aux éditions du Minuit, notamment les premiers Robbe-Grillet). Viviane est en effet obligée de se rendre au commissariat pour les interrogatoires, elle reconstruit l’histoire de cet homme pris entre une femme qui a quitté le domicile conjugal et une jeune maîtresse. Mais finalement, cette intrigue policière n’a que peu d’importance, étant donné qu'on connaît le meurtrier. Sans faire grand chose ni preuve d’un grand machiavélisme, Viviane parvient toujours à se sortir des situations inconfortables dans lesquelles la met l’enquête.

Le cœur de l’ouvrage, c’est ce personnage féminin, parfois tourmenté, en même temps pragmatique, souvent peu soucieuse des enjeux de ses actes. Ainsi, pour pouvoir vaquer à ses occupations sans être gênée par l’enfant, elle n’hésite pas à l’endormir avec des médicaments. Mais ma lecture a certainement été influencée par les souvenirs d’une précédente, où une femme était elle aussi aux prises avec son psychanalyste et des troubles plus ou moins prononcés. Et j’ai un souvenir tellement fort de Sollicciano, d’Ingrid Thobois, qu’il a un peu pollué mon approche de cet ouvrage, beaucoup moins labyrinthique et tortueux.

Surtout, j’ai l’impression, quelques jours après avoir fini Viviane Elisabeth Fauville, qu’il faudrait le reprendre pour disséquer les choix stylistiques de l’auteur (en particulier de narration). Ils sont certainement très importants dans l’évolution de l’intrigue et du personnage, ont participé à mon plaisir de lecture (qui a été réel) mais je n’en prends conscience que tardivement. Un livre à reprendre et à déguster d’une autre façon, visiblement.

Yohan

Extrait :

Viviane finit sa tasse au zinc de la rue Louis-Blanc où elle commence à prendre ses habitudes. Elle y boit des cafés en attendant d'aller chercher sa fille. Il paraît que les autres mères sont débordées, ravies d'échanger leurs enfants contre une ou deux heures de liberté, et Viviane pense pour quoi faire, il n'y a pas assez de démarches administratives pour occuper toute une vie, pas assez de ressources créatives chez aucun coiffeur pour justifier de s'y rendre plus d'une fois par semaine. Elle ferme le journal et se retrouve sur le carrefour, au pied des voies de la gare de l'Est qui, en direction du nord, passent sous le pont du métro. Ainsi, toutes les rues du quartier semblent disposées en éventail, maintenues ensemble au niveau du rond-point qui matérialise l'intersection des rues Cail et Louis-Blanc, et réunies à l'autre extrémité par le ruban métallique du métro aérien, au-dessus du boulevard de la Chapelle.

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Viviane Elisabeth Fauville de Julia Deck - Éditions de Minuit - 154 pages