L'auteur aime aller au cœur des émotions, des idées, de la vie. Ici, cette épure totale s'impose merveilleusement. Ses vers claquent comme des balles.
cette guerre dont vous étiez / l'écrire pauvrement / mots simples / les tiens, souvent / sans artifice / rien que votre vérité / crue
Une vérité crue, celle de ceux du front, cette viande qu'on abat.
Des textes par leur brièveté sans pathos. Le fait, l'émotion bruts pour en restituer tout le poids. C'est l'humanité niée, le cauchemar vivant et continuel. Et cet absurde hasard, la brièveté de la vie ou de la mort, le décalage avec ceux restés au pays, la folie des autres qui décident loin là-bas derrière.
premiers officiers venus / de Paris / ou des écoles / fleur au fusil / et bravoure folle / Vous les avez perdus
Tout cela pour quoi ? Pour la gloriole de certains. Pour rien vu qu'ils recommenceront encore plus tard aux mêmes lieux ou presque. Au final, des chiffres, un historique froid dans les livres.
L'ami près de toi tombé / son nom / demain lettres mortes / dans un registre ou sur une plaque / oublié
Il y a aussi cette terre meurtrie : lasse, saignée, labourée / suintante de sanie / assoiffée, suppliciée / saoule de guerre / salie.
Un homme, tout en fulgurances qui vous assomment. Et en ritournelle dans sa tête, plus jamais ça, plus jamais ça… Parce que après les tueries quelles qu'elles soient, en soi, plus jamais / rien de propre
A lire et garder juste en soi la mémoire / de la vie / tenace / et qu'on ne peut éteindre
Dédale
Du même auteur : En ville (petites proses), Amoureuse mémoire, Margats de Saint-Pierre, Le paysage immobile, Quand s'ouvre l'horizon
Extrait :
relève
frères
à qui on laisse
le soin de mourir
oser les saluer en face
parfois leur main fiévreuse dans la tienne
ils savent bien l'extrémité dernière
où vous avez tenu
leur dire le peu qui compte
les tanières, les usages de l'ennemi
l'eau, le feu
de se faire petits
puis
portant ses agonisants
fuir
oublier un instant
qu'il faudra remonter
ou
le voisin avec toi venu
une balle l'a tué
tu ne sais même d'où tirée
et à sa femme, que diras-tu.
Un homme de Jean Le Boël - Éditions Henry – 73 pages
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