Ève de ses décombres est le seul roman d'Ananda Devi qui prenne une forme chorale. Les quatre narrateurs (et un cinquième, une sorte de double d'Ève) sont bien différenciés : Ève, une jeune femme battue par son père et qui se prostitue, Clélio, un délinquant désabusé, Sad, un amoureux d'Ève qui imite les vers de Rimbaud, et, Savita, une jeune femme qui est devenue l'amie d'Ève et qui a décidé de lui venir en aide.
Est-il possible aux habitants de Troumaron de sortir de la pauvreté,
la plus féroce des geôliers
? Les bas salaires des
travailleurs chinois ont fait fermer l'usine voisine, où travaillait la
mère de Clélio. Sad confie : On me dit que je réussirai.
. Il n'a guère d'illusions, mais un mince espoir a germé en lui
quand il a découvert la lecture. Considérée par tous ou presque comme une
fille perdue, une honte, Ève, plutôt que de se considérer comme une
victime, utilise son corps pour dominer les hommes.
Ce roman, qui a reçu en 2006 le Prix des Cinq Continents de la Francophonie, n'est pas mon préféré de cette auteure. Je pense cependant que la structure du texte en fait un des romans les plus accessibles d'Ananda Devi. Ce livre n'est toutefois pas exactement une porte d'entrée dans son univers puisque ses thèmes récurrents, s'ils sont abordés, le sont de façon très allusive. J'ai ainsi apprécié que lorsqu'Ève rentre chez elle, elle passe près d'un ruisseau dont l'impétuosité reflète ses sentiments. Du point de vue stylistique, j'ai tout particulièrement aimé la première partie du roman : des phrases courtes, percutantes, évocatrices ! Bref, de la poésie...
Du même auteur : voir la bibliographie d'Ananda Devi.
Extrait :
La nuit, je vais hanter l'asphalte. Les rendez-vous sont pris. On m'emmène, on me ramène. Je reste froide. Si quelque chose en moi est changé, ce n'est pas la partie la plus vraie. Je me protège. Je sais me protéger des hommes. Le prédateur, c'est moi.
Ève de ses décombres d'Ananda Devi - Éditions Gallimard - 155 pages.
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