Il était une fois un pays interdit où les animaux avaient décidé d'imposer leur loi...

C'est ce que vont découvrir Prue et Curtis, son camarade de classe, en osant pénétrer dans le Territoire Infranchissable. Un univers complètement différent de leur monde, où hommes et animaux se côtoient à égalité, où les animaux parlent et s'habillent et où les rivalités vont aussi bon train que chez les hommes.

En effet, Prue et Curtis ne tardent pas à se rendre compte qu'ils ont mis les pieds au milieu d'une guerre larvée qui ne demande qu'à éclore et dont ils vont indirectement être les déclencheurs. Et finalement, la mission de sauvetage pour le petit frère de Prue tourne rapidement à l'insurrection et devient une mission pour la libération de cette contrée enchantée qu'est Wildwood.

Colin Meloy signe un très beau roman pour la jeunesse. Dans la droite ligne des Chroniques de Narnia de C.S. Lewis et de Terabithia (Le Royaume de la Rivière, en français) de Katherine Paterson, il raconte l'immersion de deux ados en plein milieu d'un univers magique dans lequel humains et animaux se côtoient et s'affrontent. D'ailleurs, comme dans l’œuvre de Lewis, les animaux sont anthropomorphes, avec des traits de caractère purement humains, tandis que les humains, eux, agissent (comme bien souvent dans notre réalité) comme de vrais animaux. Il n'a pas été nécessaire de grossir beaucoup le trait pour mettre en scène cette dualité dans les espèces, même au niveau des deux protagonistes.

Carson Ellis, femme de l'auteur, prête au texte ses talents d'illustratrice. L'ouvrage est copieusement rempli d'images en noir et blanc dans le texte, et parsemé de quelques illustrations pleine-page en couleurs de toute beauté. Ces dessins animent le texte, lui donnent du relief et égaient la lecture. C'est très agréable d'avoir des représentations spécifiques à l'univers des auteurs, plutôt que de se baser sur les images de films tirées de Narnia ou d'autres films du même style. On sent une volonté de se démarquer de manière douce mais ferme de ce qui a été fait avant, tout en restant dans une tradition (l'innocence de l'enfance, la méchante reine-sorcière, la faute originelle, la prise de conscience et la perte des illusions...) propre à la littérature jeunesse anglo-saxonne, fondée sur les écrits de Lewis.

Si le trait semble grossier parfois (je déplore notamment le peu de surprise quant aux allégeances des animaux : les coyotes sont foncièrement méchants, voire stupides. Les oiseaux sont mis à l'écart. Les corneilles, pies et corbeaux sont mauvais tandis que les aigles sont altiers.... etc.), on ne boude pas son plaisir. Un lecteur attentif relèvera quand même quelques coquilles et une ou deux phrases légèrement bancales. Cela ne gâchant en rien la lecture, mais bon, parfois, c'est agaçant... L'histoire est construite comme une quête, en trois parties bien distinctes, et a pour but de nous faire découvrir l'univers au maximum. Ainsi on apprend tout de l'administration de Southwood, de l'étrange contrée de Northwood et bien sûr de Wildwood, l'enjeu de cette guerre. On suit en parallèle les mésaventures de Prue et de Curtis et leur difficile intégration dans cet univers si différent du leur.

Enfin, même si la mention "Livre 1" le laisse supposer, on referme l'ouvrage avec la certitude qu'il y aura au moins une suite. Plusieurs, sans doute... Car bien des pistes ouvertes n'ont pas encore été explorées, certaines révélations n'ont pas encore été dévoilées et tout concourt à ce que Prue et Curtis fassent encore de nombreuses découvertes dans le Territoire Infranchissable.

Un roman imposant par sa taille, mais qui se lit très facilement une fois ouvert. Les personnages, le ton employé, les dessins, l'histoire elle-même, tout incite le lecteur à aller de l'avant et à se faire plaisir avant tout. Et c'est effectivement un plaisir que de suivre ces aventures. Et de les partager.

A découvrir et à faire découvrir !

Cœur de chêne

Extrait :

Comment cinq corneilles pouvaient-elles soulever dans les airs un enfant de neuf kilos ? Prue ne comprenait pas, mais c'était le cadet de ses soucis. En fait, si elle devait dresser la liste de ses priorités, l'explication d'une telle prouesse arriverait bonne dernière. Assise sur ce banc du parc, elle regarda, fascinée, son petit frère Mac s'envoler entre les serres de ces corneilles noires. Sa plus grosse inquiétude, c'était justement lui, dont elle avait la responsabilité et qui se faisait enlever par des oiseaux ! Et la question qu'elle se posa tout de suite après, c'était : Qu'allaient-ils faire de lui ?
La journée avait pourtant si bien commencé.

Les chroniques de WildwoodLes Chroniques de Wildwood, de Colin Meloy. Illustrations de Carson Ellis - Editions Michel Lafon - 522 pages