Pourtant, la vie avec Heike, si elle était agréable, ne pouvait pas durer longtemps : la jeune fille ne voulait pas vivre en Suisse. Et cela, pour Monsieur Blanc, c'est inconcevable. Alors, à son retour en Suisse alémanique, il a repris ses habitudes : un métier calme, une épouse qui a du mal à faire le deuil de son premier mari, les tisanes qu'il boit jusqu'à écœurement. Mais Heike reste dans son esprit et l'empêche de plonger définitivement dans la dépression qui le guette.

Monsieur Blanc est un ouvrage que j'ai trouvé déséquilibré, et du coup assez frustrant. Tout le début du roman est consacré à la description du personnage de Monsieur Blanc, homme insignifiant, qui s'ennuie sans s'en rendre compte. Tout est tellement organisé, prévu qu'il est difficile de s'intéresser à sa vie banale, ordinaire, vide. Les 100 premières pages sont assez longues à lire.

Puis, le livre bouge un peu, avec un voyage en Pologne offert par ses collègues de travail pour son départ en retraite. C'est en Pologne qu'il va retrouver la trace d'Heike, décédée. A partir de ce moment, de cette errance en Pologne et de ce retour difficile dans la vie suisse, on imagine ce qu'aurait pu être le roman si Roman Graf y avait insufflé de la vie plus rapidement. Car c'est finalement une impression d'ennui (peut-être d'ailleurs est-ce l'impression qu'a voulu donner Roman Graf) qui domine, le fantasme final de Monsieur Blanc sur ce qu'aurait pu être sa vie étant balayé par le souvenir de cette vie rangée, bien trop rangée.

Yohan

Extrait :

M. Blanc ouvrit la boîte de camomille et en sortit un sachet, mais au moment où  il allait vider le reste du thé à la menthe dans l'évier, il se dit que sa mère n'aurait jamais fait une chose pareille. "Quel gaspillage !" aurait-elle dit, et elle aurait réchauffé le thé à la menthe. Il sourit à cette pensée et vida le contenu de la théière dans la casserole posée sur la gazinière. Rasséréné, il se dit qu'il pourrait boire la camomille ce soir ou demain - ou un autre jour. Il y aurait encore beaucoup de journées où il penserait à sa mère.

Monsieur Blanc
Monsieur Blanc de Roman Graf - Éditions Métailié - 201 pages
Traduit de l'allemand (suisse) par Pierre Deshusses