Le premier article est un récit chronologique de la manière dont Madoff a construit son affaire. D'abord entouré d'un ami, il monte sa propre société financière, qui peu à peu et grâce à des annonces de gains très importants, attire de très nombreux clients. Au point que prendre part aux activités de Madoff devient pour les riches américains un privilège après lequel ils courent. Madoff favorise bien entendu ses amis, souvent lié à la communauté juive dont il est originaire. S'il associe sa famille en l'employant dans sa société, il veille toutefois à ce qu'elle n'investisse pas tout son argent dans l'affaire, pressentant déjà le danger.

Ce qui est frappant dans ce premier récit, c'est la charisme de cet homme qui arrive à convaincre la haute et riche société pour mener à bien ses affaires frauduleuses. Avant que tous ne se retournent contre lui, il est un financier recherché, adulé, à qui ils font totalement confiance. Le retournement soudain et rapide de sa réputation montre d'ailleurs l'estime que tous ces gens avaient pour lui, mais aussi pour leur argent qu'ils pensaient bien placé.

Le second récit s'appuie sur le témoignage de la secrétaire. Elle raconte l'arrivée des policiers dans les bureaux de la société, les signes avant-coureurs de cette chute avec l'effacement progressif de Madoff les jours précédant l'annonce de la fraude. De nouveau, le récit montre bien comment le mensonge de Madoff fait se tourner contre lui tous ceux qui lui avaient fait confiance, notamment son personnel le plus proche qu'il avait jusque-là très bien rémunéré.

Le troisième récit s'éloigne de l'affaire. C'est le portrait de Ruth, la femme de Madoff. Femme très organisée dans son travail auprès de son mari, on ne sait pas vraiment si elle avait une connaissance exacte du système de fraude mis en place par son mari. Elle apparaît comme une femme de confiance, sereine dans son travail. Mais cela, c'est pour la zone positive de Ruth. Car ses accès de colère, assez fréquents, ne laissent personne indifférent. Surtout qu'ils sont souvent liés à des détails ou à des réactions suite à des attaques contre son mari. Accès de colère qui n'épargneront pas Mark Seal lors de la publication de ses premiers articles.

A travers ces trois articles de presse, Mark Seal parvient à donner à lire, de façon très réaliste et haletante, le récit de cette chute. Peu importe si on n'est pas très à l'aise avec le monde de la finance et les chaînes de Ponzi (le mécanisme mis en place par Madoff, où on rémunère les intérêts des anciens clients par les versements des nouveaux), cet ouvrage est à la fois un plaisir de lecture et un très bon guide de la crise financière. Où on se rend compte que les personnalités et les caractères comptent beaucoup plus que la rationalité, même quand il est question d'argent. De beaucoup d'argent.

Yohan

Extrait :

Bernie a tout mis en scène, comme il faisait toujours. Il veillait toujours au moindre détail. Il a planifié sa chute avec précision. Il fallait qu'il contrôle tout. Les fédéraux - tout comme le public et ses 13 500 investisseurs - ont eu vent de son arnaque exactement de la manière dont il l'a voulu.
Le 11 décembre 2008, jour où Bernie choisit d'être arrêté, fut le point culminant de nombreux mois étranges dans les bureaux de Bernard L. Madoff Investment Securities. Mais à l'époque, Bernie était toujours étrange - jamais d'une manière mauvaise ou inquiétante, il était juste différent. Il aimait découvrir votre point faible et vous titiller avec son humour sarcastique. Il ne pouvait s'empêcher d'aller continuellement trop loin. "Vous savez, vous me rappelez beaucoup le personnage de Larry David", lui ai-je dit un jour, en faisant référence au héros obsessionnel de Curb Your Enthousiasm (Larry et son nombril). "On me dit l'a déjà dit, a-t-il répondu, mais je suis beaucoup plus beau que lui."

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Madoff, l'homme qui valait cinquante milliards de Mark Seal - Éditions Allia - 176 pages
Traduit de l'anglais par Hélène Frappat