Voilà tout est dit de l’intrigue de ce premier roman où naviguent entre souvenirs de Frédérique, elle-même musicienne et narration de l’auteur façonnant en longueurs des personnages déjantés, anxieux, mal dans leurs peau. (Est-ce un portrait général de tous les musiciens ?) agissant par des actes épidermiques.
Le tout est servi par une écriture très journalistique, détachée. Un peu comme les chroniques littéraires du Monde. Beau langage mais froid. On étale sa culture et tant pis si le lecteur ne suit pas. Certes ça se lit mais je ne suis pas entrée dans l’histoire, je ne me suis pas attachée aux personnages.

A noter aussi ces pages et pages pour parler de la musique de Philippe. Musique underground ou de la scène indépendante ? Courants musicaux (post-hardcore, le noise, le shoegaze, Sub pop…) ou de groupes (Mandrake, Dummies, Crave..) réels ou inventés. Mystère.
J’avoue que n’y connaissant absolument rien, je n’ai pas compris quel type de musique composait Philippe. Une description trop abstraite ou trop détachée, en longueurs interminables, en vocabulaire spécifique. Je me suis très vite retrouvée en rade. Je sais pourtant toute la difficulté qu’il y a à restituer de la musique en mots. L’auteur a dû oublier qu’elle n’écrivait plus un édito pour le magazine de musique où elle est rédactrice mais un roman censé être lu par un plus grand nombre et moins connaisseur.

Et que dire sur les liens entre l’oncle Pavel « auréolé d’un parfum de truanderie qu’il cultivait avec soin… » et Nadia, pas très stable, fascinée par la laideur. Successions de clichés pas nets, tous annoncés longtemps avant.
Rien d’attachant dans ces personnages. J’ai eu l’impression qu’ils vivaient chacun dans leur bulle et que de temps en temps il y avait frottement entre leurs parois au risque de tout faire éclater. Étrange et rendu sans intérêt.

J’en reviens encore à cette écriture faite parfois de phrases bizarrement tournées ou alors pas relues, d’énumérations pour un détail ou un coup de griffe sur une loi relative à des quotas (quotas de chanson française ? ) ou bien des précisions entre parenthèses (comme des apartés dans un article de journal). Il me semble que l’on est plus au temps de Flaubert ou Balzac, temps où les romans étaient publiés en feuilleton et qu’ils étaient payés à la ligne. Dans Riviera, on en revient au même, par exemple avec ces dix pages et quelques sur l’épidémie Ebola.
Dix pages sur Ebola pour dire que Philippe et Nadia, ressortissants français et d’un pays de l’Est (jamais précisé), ont, eux, pu sortir des États-Unis et rentrer dans leur pays d’origine. Long et ennuyeux procédé.

Je brise là mais il y aurait encore à dire. J’ai lutté longtemps contre l’envie d’abandonner. Je suis allée jusqu’au point final. Je le regrette.

Dédale

Extrait :

Philippe n’avait pas souhaité, pour sa part, s’encombrer d’instruments ou d’enregistreurs : si des mélodies lui venaient durant ce séjour, elles seraient perdues. Il n’avait aucun mal avec le fait que les idées soient volatiles, il pensait qu’il est possible d’en générer à l’infini. Il était fermement convaincu que lorsqu’on vit dans la terreur de les laisser passer, on s’inhibe au point parfois de passer sa vie à la recherche d’un grand projet un jour oublié, on travaille en vain à un chef-d’œuvre fugitif et englouti. Nadia espérait que les bruits, les craquements, l’acouphène berçant de la mer s’imprimeraient en lui et rejailliraient dans son travail, mais il en doutait. Philippe n’avait pas de mémoire, il n’était pas structuré de manière à pouvoir emmagasiner des souvenirs et, ce qu’il n’oubliait pas spontanément, il le dissolvait dans l’alcool. En cela encore, ils étaient semblables.

Levan les attendait comme convenu devant l’aéroport pour les conduire au ferry. Nadia lui avait tendu une liasse de billets avant même de l’embrasser, geste qu’elle avait ensuite accompli rapidement et sans plaisir. Ils ne s’étaient pas donné de nouvelles pendant qu’ils roulaient vers le port. Nadia rappellerait plus tard à Philippe qu’elle n’était pas sur l’île, une étrangère obligée de se soumettre à un quelconque protocole pour s’attirer les sympathies. Elle était ici chez elle, c’est-à-dire comme partout : fondamentalement adverse.

Riviera
Riviera de Mathilde Janin - Éditions Actes Sud - 217 pages