J'avoue que je n'ai rien retenu de la vie de ce gamin. L'écriture trop parlée, les trop nombreuses et longues énumérations qui n'en finissent pas et n'apportant rien au portrait, ont eu raison de moi. Présentée autrement ou même en rencontrant l'auteur, je suis certaine que la vie de Massyre aurai eu un intérêt. Mais là, très vite, rien.
On n'apprend rien à part que le narrateur raconte son enfance dans le Nord-Est de la Tunisie. Une vie pauvre, faite de débrouillardise dans une région isolée entre une Montagne blanche – montagne ou bien autre petite ville ainsi nommée ? - et son amour, sa reconnaissance pour les chèvres qu'il accompagnait dans les collines.
De plus, dès sa phrase en page 13, presque prémonitoire, mon élan, ma curiosité étaient coupés avoir pu décoller : J'anticipe votre ennui et votre agacement à ne pas comprendre et saisir la voix tout de suite, ici et maintenant ; je vous vois détourner la tête pour échapper à mon regard ; vous avez sans doute envie de voyager rapidement avec moi dans un récit de l'Arabe-qui-ne-pense-pas : le premier baiser de la pudeur orientale, le poids de la religion dans mon éducation, mes rapports à mes sieurs, ma première grande raclée, la violence de l'homme arabe.....
etc, etc, etc. Là, c'était fini.
Dans un autre contexte, j'aurai pu tenter de m'accrocher ou de mettre de côté puis d'y revenir mais malheureusement pour l'auteur, je sortais du magnifique roman de Lyonel Trouillot, Parabole du failli. Impossible de soutenir une telle concurrence.
Comme quoi, la rencontre d'un auteur avec le lecteur tient parfois à peu de choses.
Dédale
Extrait :
Je serais né la première moitié du mois de mai. Je ne peux pas vous dire quel jour exactement car la femme accoucheuse, la belle et vieille Khmissa, est morte. Quelle année ? 1971. Une année molle, sans événements, ni actualités. Le matin, le midi, l'après-midi, le soir ? Je ne sais pas. Ma mère ne se rappelle pas. Aujourd'hui, l'heure de ma venue au monde m'importe peu. Les photos pas plus. A vrai dire, j'ai longtemps vécu dans un monde sans images. L'univers dont je vous parle est mien, celui de la Colline Rouge, située à trois kilomètres de la Montagne Blanche, un gros village. Selon une légende racontée par les vieux et reprises par les femmes et les enfants, chaque année, vers la mi-août, un serpent poilu venait l'enlacer pour la réduire de quelques centimètres. Voyez-vous, si ce serpent poilu continue son adoration de la Montagne Blanche, je risque de ne plus voir le lieu adoré de mon commencement. Comme je sais que vous appréciez que je vous situe l'endroit sur une carte et dans le temps historique, je commencerai donc par vous dire que cette appellation disparut en 1881, date de la visite de nos frères français armés. Comment ? Après la débâcle de l'armée française face à nos amis allemands et le soulèvement algérien dans les années soixante-dis du siècle 19, Jules Ferry, l'inventeur de l'école républicaine, eut une idée de génie : faire la campagne de Tunisie pour mettre définitivement la main sur la belle acquisition algérienne. Située à quelques kilomètres d'Annaba, la Montagne Blanche était très appréciée par les combattants algériens parce que c'était un refuge et un point de repère inaccessibles et inconnus des forces françaises. Donc, à la suite de la visite de nos frères français armés, la Montagne Blanche fut baptisée le Passage, et la frontière algérienne avait commencé à être totalement sécurisée puisque l'armée française contrôlait aussi la Tunisie à partir de 1881. L'Empire peut naître ainsi.
Moi, je suis né huit fois.
Je suis né huit fois de Saber Mansouri - Éditions Seuil - 328 pages
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