Seuls les derniers guerriers du silence résistent encore, soutenus par Abahelle, la Vénérable Gardienne de la Tradition Inddique et Tau Phraïm, le dernier Gardien des Annales Inddiques. Ce lieu secret est  source du Son de Vie, qui maintenait la cohérence de l'univers et l'empêchait de sombrer dans l'oubli. Ces héros, car au vu des épreuves que l'auteur leur fait subir et leur dévouement à la Vie, ce sont bien des héros. Ils ont fort à faire face aux sbires du Dieu Noir. Il leur faut trouver et créer les armes pour les contrer, trouver la faille de l'ennemi.

Pour cela, il faut trouver, entre autres aventures, l'homme qui pourra être le parfait Porteur de la Lance du Destin. Entre ses mains, elle se transformera le moment voulu en jeune femme dotée d'un immense pouvoir : celui de tuer tout devant elle. C'est pourquoi après sa transformation, elle est confiée à Hartmon le Mage de sables. Il maîtrise parfaitement les préceptes des Annales Inddiques pour faire basculer la Lance du Destin-Anima du bon côté, celui de la Lumière et non du côté de la Haine et de la Mort.
Sekhem, l'amirale de la flotte de l'Ang'Empire a dû se rendre dans le futur et trouver au cœur du Grand Estuaire – véritable camp de concentration des Chevalier du Néo-Masham – des informations cruciales pour pouvoir créer avec l'aide d'Athénaïa, une flotte d'aéronefs pour la grande bataille du Dharma face à celle de Markam, l'Aigle Noir.

Si on a lu Le Chant Premier dès sa sortie, se plonger quelques mois plus tard dans Le Livre de la création demande un petit effort pour se remettre dans l'histoire, retrouver tous les personnages, les puissances en opposition. Fort heureusement, l'auteur a pris soin de faire quelques petits rappels pour aider son lecteur. Un autre tout petit effort est également demander pour naviguer comme les personnages – Sekhem, Siliana, la Grande Prêtresse de la Nuit ou Rajan, le fils de Sekhem – sur ligne du temps. Le lecteur se retrouve donc d'un chapitre à l'autre à un moment se déroulant avant ou après la Bataille du Dharma.

Sans rentrer dans les détails des nombreuses aventures et rebondissements qui vont à un rythme effréné, l'essentiel de cette histoire est bien la guerre absolue entre la Vie et la Mort et son cortège de destruction totale. L'auteur s'est lancé dans un plaidoyer pour la vie, au Chant vital que l'on trouve partout si l'on veut bien écouter.

La pièce maîtresse de cet opus est ce mystérieux et magique Livre de la Création dont tout naît. Ce Livre est la seule arme restant ou presque pour résister au Néant depuis l’éradication des Annales Inddiques. Tout se trouve dans ce livre. C'est bien pour cela que Siliana la Prêtresse Noire tente par tous les moyens de le détruire.

Comment est-il possible que l'univers résiste au Néant ? L'entropie étant la loi et la vérité suprême. La fin de toutes choses était programmée depuis le commencement.
Comment anéantir l'énergie démesurée qui jaillissait continuellement du livre ?

Au commencement était le Verbe, la vibration subtile de l'Antra, le Chant Premier. En parcourant le Grimoire, objet conscient et vivant, en même temps que Siliana, le lecteur apprend d'où vient ce magnifique Chant de Vie, comment les univers, l'Humanité même ont été créés.

Selon Le Livre de la Création, le Dieu Noir a été créé par les humains qui se sont connectés au Sanctuaire de la Discorde. Les humains ont été trop loin et ont été débordés par leur force excessive de destruction incarnée par le Dieu Noir. Est-ce ainsi que l'auteur explique les grandes guerres et autres massacres survenus sur notre Terra Mater ? Possible.

J'arrête là car il est impossible de résumer tout l'univers inventé par Y. Berjaud tant l'ensemble est dense, plein d'idées. Riche de toute une cosmogonie inventée à partir de référence reconnaissables : le Bouddhisme, la méditation en Pleine Conscience - très bon moyen pour les guerriers du silence de retrouver leurs énergies vitales pendant ou après un combat -, la mythologie Hindous avec Shiva et ses Dévas, la symbolique des 12, jusqu'à la Matrice incarnée peut-être par Athénaïa, à moins que cela ne soit Athéna, déesse grecque de la sagesse et de la guerre. A noter que certaines faiblesses ressenties dans le Chant Premier ont disparu dans le second opus.

Ce cycle est vraiment à lire en sachant qu'il faut s'accrocher un tout petit peu au début mais qu'ensuite tout coule de façon très fluide et à un rythme nerveux. Sans cela, le lecteur risque de se perdre dans ce grand univers. Ce serait dommage car il passerait à côté d'un des beaux messages du Livre de la Création. Car comme la bonne Abahelle :

Je veux mettre fin à la violence par le miracle de la Conscience. Éteindre l'incendie de la souffrance des hommes dans l'inépuisable liqueur de la compassion.

Un message que même sans être le Dalaï-Lama, on ne peut pas ne pas écouter et faire sien.

Dédale

Du même auteur : Le chant premier

Extrait :

Siliana connaissait la douceur du vide, la profondeur du Néant, la beauté infinie du silence. Que cessent le bruit et la fureur du monde ! La multitude, le chaos, la division, la séparation, la blessure, la temporalité, la précarité et l'altérité ! Que cesse le règne de l'éphémère ! En cela résidaient l’ultime libération, l’ultime sagesse que lui avait révélées le Dieu Noir. Elle n'avait nulle envie de l'expliquer aux derniers survivants, ni aux serviteurs du Néo-Mashma. Cette évidence transcendait les mots et rares étaient ceux qui pourraient la saisir. Le monde synonyme de frustration, de souffrance, se devait de disparaître. Seul le Néant ouvrait l'absolue plénitude de l'éternité. Elle se pencha sur la couverture blanche et lumineuse du Livre de la Création avec un profond désespoir.
Elle aurait tellement aimé pouvoir, tout simplement, déchirer ces pages ! En finir avec ce rêve absurde ! Mais dès qu'elle touchait le papier indestructible, une douce odeur de sève emplissait ses narines. Le Grimoire exhalait le parfum entêtant de la nature, la fragrance subtile du printemps et de l'inévitable commencement.

Le livre de la création
Le livre de la création de Yoann Berjaud - Éditions Mnémos - 267 pages