Le titre de ce recueil fait référence à l'hommage rendu par Rûmî à
l'homme qu'il rencontra dans sa jeunesse au début du XIIIe
siècle : Attâr a parcouru les sept cités de l'Amour, alors que nous
sommes encore au coin de la rue.
.
Certains poèmes évoquent l'Amour, mais s'il paraît parfois personnalisé par une femme et associé à des libations, il est évident que c'est toujours de l'Amour de Dieu qu'il s'agit.
Bien que vivant en Perse, 'Attâr ne suit pas exactement les préceptes de
la religion islamique. S'il compare volontiers la mosquée et la taverne, et
préfère cette dernière, c'est pour mieux mettre en évidence que sa
conception de Dieu est plus profonde et démunie de tous les aspects
ritualistes et organisés de la religion dominante. Comme les chrétiens,
avec lesquels il a quelques affinités, il porte une ceinture, le
zonnâr, qui distingue les non-musulmans des musulmans. Ses paroles
envers l'islam sont provocantes, et il rend souvent hommage au
martyr Mansour Hallâj qui avait été torturé puis crucifié pour avoir
affirmé : Je suis la Vérité.
.
Le chemin entrepris par 'Attâr est dans la lignée de celui de Hallâj. Son but est de s'unir à Lui, de franchir le voile qui l'empêche de prendre pleinement conscience de cette unité, ce qui exige de se débarasser de soi-même. Il s'agit d'une philosophie non-dualiste comme il en existe dans d'autres religions (notamment l'hindouïsme) ou en marge de celles-ci (christianisme). Dans de nombreux poèmes, 'Attâr se demande s'il est digne de ce but. Il Le supplie parfois de l'aider dans cette direction.
J'ai été très intéressé par ce livre qui m'a permis de constater des similitudes entre ce mysticisme et d'autres conceptions que je connaissais par ma lecture de la littérature sanskrite. La traduction (très lisible) n'est pas versifiée, mais en la lisant, quelques jeux de sonorités apparaissent. Le texte lui-même n'est pas dénué d'humour, en particulier dans le dernier vers qui conclut chaque poème.
J'ai cependant un regret : le livre ne comporte pas la moindre
calligraphie persane. Plutôt qu'une image extraite de livres de miniatures
accompagnées de calligraphies nastaliq comme celle-ci,
l'éditeur a préféré mettre en couverture une image qui n'est accompagnée
que de la seule mention ©BNF
.
Extrait :
Une fenêtre s'est ouverte dans mon cœur, je me suis assis longtemps à cette fenêtre. J'ai vu une centaine d'océans à travers la fenêtre, la source de mon cœur a rejoint les océans. Puisque je n'ai pas pu résister, je me suis noyé à cause du poids de la pêche tombée dans mon filet. Lorsque mon âme s'est orientée vers l'autre monde par amour, je me suis libéré des coutumes et des habitudes de ce monde. On ne croira pas à ce que j'exprime par la langue, vu l'état dans lequel je me trouve. Je ne suis ni dans l'existence, ni dans le néant. Je ne suis rien, je suis tout, je suis haut, je suis bas.
Les sept cités de l'Amour, Farîd-ud-Dîn 'Attâr - Éditions Albin Michel - 225 pages.
Traduit du persan par Jalal Alavinia.
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