Autre temps, autre lieu.

En pleine ville, Martin, Gabrielle et le petit Emile survivent comme ils peuvent, à coups de rapines, de pied-de-nez aux marchands et de système D.
Pour échapper à un agent de police, ils vont franchir le mur d'enceinte d'un domaine réputé maudit. La demeure étant inhabitée, ils se mettent à l'abri pour la nuit.
C'est à partir de ce moment que surviennent d'étranges choses. Hallucinations ? Rêves ? Manifestations surnaturelles ?
Peut-être Josh, le jeune garçon qu'ils rencontrent enfermé dans une des pièces du manoir désert, est-il lié à tout ça.

Olivier Boiscommun revient au fantastique après son exploration d'autres univers.
Que ce soit en collaboration avec d'autres scénaristes (comme Jodorowski) ou en solo, il continue de regarder du côté de l'étrange, là où les personnages qu'il met en scène perdent leurs repères, voire se retrouvent en danger.
Et encore une fois c'est un pari, avec une couverture intrigante. Une vague gigantesque, les embruns, et au milieu, à peine discernable, une barque et un personnage qui va être submergé. Dès la couverture le lecteur perd pied,
Ouvrir l'album, c'est accepter de ne pas tout comprendre, d'être autant ballotté que les personnages et risquer de ne pas avoir à la fin toutes les clés pour comprendre ce qu'il s'est passé.

D'un autre côté, Boiscommun dépeint un univers qui n'est pas rationnel. Ici, une bougie allumée peut exaucer les vœux et protéger de la tempête. Un clin d’œil au Stardust de Neil Gaiman ? Peut-être...
Ici, on ne sait pas vraiment où ni quand on est. Et à la limite on s'en moque un peu. Là n'est pas le propos.
Cette histoire, c'est avant tout un conte. Une histoire qui ne se comprend pas mais qui se ressent, qui se vit à l'intérieur. C'est une histoire dont la fin ne s'explique pas car chacun aura créé sa propre fin. C'est une aventure qui se vit plus qu'elle ne s'explique.
Et c'est avec beaucoup d'émotion que l'on tourne la dernière page, avec un silence, un pincement au cœur, un moment pour s'éclaircir les idées, relever la tête et comprendre où l'on est, comme au sortir d'un rêve.

Il est sans doute un peu plus délicat de s'attacher à Martin dont le personnage est volontiers provocateur. Le plus dur étant de se faire à sa façon de s'exprimer. Le mélange d'argot qu'il emploie rend la lecture malaisée, la compréhension parfois difficile. C'est sans doute le seul reproche qui puisse être fait à l'album dont chaque page est un petit bijou.
Le travail de Boiscommun, en couleurs directes, dans des teintes faisant écho à l'océan, transforme les cases en tableaux miniatures. Et les illustrations pleine page subliment le rendu général. Les tons bleu-gris, le ciel voilé, la brume, tous les éléments concourent à rendre l'ambiance marine dans l'ouvrage, pour un peu on entendrait le cri des mouettes et des sternes en lisant. Et cette odeur d'algue qui remonte lentement aux narines...

Un ouvrage fort, avec la sensibilité de Boiscommun sur l'enfance, l'abandon, les cauchemars et la mort. Et paradoxalement une célébration de la vie en contrepoint. Comme un va-et-vient. Comme un cycle de marée.
Et je ne peux finir sans reproduire la citation de George Bernard Shaw mise en exergue pour illuminer tout l'ouvrage :

Pour moi la vie n'est pas une petite flamme éphémère.
C'est un flambeau splendide que je dois brandir.
Je veux qu'il brille de mille feux avant de le transmettre aux générations futures.

Cœur de chene

Du même auteur : Pietrolino

Extrait :

Lueur de nuit 2Lueur de nuit 3

Lueur de nuit
Lueur de nuit de O.G. Boiscommun - Éditions Glénat - 57 pages