L'intrigue est relativement simple : le docteur Franz est petit homme fébrile suite à une tuberculose dont il ne s'est jamais remis. Il rencontre pendant un séjour dans une station balnéaire Dora dont il tombe amoureux. Le roman suit les deux amants, notamment par le courrier qu'ils échangent. Leur relation est faite de beaucoup de tendresse et de respect, d'assistance et de prévenance de la part de Dora pour prendre soin de cet homme de plus en plus malade. Mais il manque de la chair à tout cela : je n'ai jamais été pris d'empathie pour cet amour, ni pour la maladie de cet homme en fin de vie.
Il faut dire que plusieurs éléments ont sensiblement gêné ma lecture. Le premier est le peu de consistance des personnages. Ils sont assez nombreux, notamment l'entourage de Franz. S'ils interviennent à plusieurs reprises dans l'action, je ne me suis pas attaché à eux. Ils étaient comme des personnages de carton-pâte, placés là uniquement pour le besoin de l'intrigue.
Le deuxième est lié à la narration. Tout au long du roman, l'auteur joue à insérer dans son récit des passages de lettres ou des propos rapportés, jouant ainsi avec les narrateurs. Si je suis d'habitude assez friand de ce type d'exercice littéraire, il tourne ici à vide. Ces mélanges sont trop nombreux, trop soudains, et m'ont fait peiner dans la lecture.
Ces deux éléments montrent que Michael Kumpfmüller n'a pas réussi, selon moi, à s'accaparer l'écriture épistolaire et surtout à l'intégrer de façon convaincante dans un roman. J'ai donc éprouvé un ennui terrible lors de cette lecture, et ce n'est pas le personnage de Kafka qui a sauvé tout cela. En effet, il est en fin de vie, n'écrit presque plus et les considérations matérielles sont plus importantes que la littérature. D'autant que l'auteur évite soigneusement de l'appeler par son nom lors du roman (c'est le docteur Franz). Heureusement que l'éditeur a ajouté un gros bandeau et une quatrième de couverture pour dire de qui il s'agit. Parce que le roman aurait-il encore un intérêt si on ne savait pas que Kafka se cache derrière le docteur Franz ? Rien n'est moins sûr...
Yohan
Extrait :
L'écriture de Dora ne cesse de rapetisser. En outre, il a du mal à la déchiffrer, on dirait qu'elle écrit dans une voiture qui bringuebale ou la nuit, sans lumière, dans le noir, quand la nostalgie lui serre la gorge. Elle n'en peut plus, écrit-elle. Je ne devrais pas te dire cela, mais la vérité est que je suis à bout. Je deviens laide sans toi, je me dispute avec Judith qui s'impatiente parce que je suis si distraite, si sans toi. Je trébuche sans cesse, je me coupe avec le couteau, je ne sais plus ton nom, ton anniversaire, tes baisers. Je t'en prie, viens, écrit-elle.
Le docteur est seul au jardin et trouve sa plainte justifiée. Elle a le droit de se plaindre, et pas seulement le droit mais le devoir. C'est aussi un avertissement, un cri qui lui rappelle que le miracle n'est pas invulnérable.
La splendeur de la vie de Michael Kumpfmüller - Éditions Albin Michel - 292 pages
Traduit de l'allemand par Bernard Kreiss
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