Le prétexte de cette surveillance est nouveau pour Jean-Jean, qui a quelques scrupules à faire ce qu'on lui demande : espionner Madame Laverdure, employée modèle, accusée d'avoir une relation avec Jacques Chirac Oussomo, qui a gravi les échelons du supermarché. Les deux amants sont pris en train de se parler et la réunion avec la direction et le responsable de la sécurité tourne au drame : madame Laverdure meurt accidentellement. C'est le début du drame.

Madame Laverdure a en effet quatre fils au caractère inhabituel. Il faut dire qu'ils ont des gènes de loup et qu'ils se comportent de la même manière, en meute, avec un chef de clan. Blanc est le leader et ses frères, Noir, Gris et Brun, se plient à ses ordres. Les loups sont connus pour leurs larcins, mais ils sont surtout les enfants Laverdure. Ils décident donc de tuer tous ceux qui sont liés à la mort de leur mère, au premier rang desquels Jean-Jean.

C'est le point initial de ce roman qui ouvre plusieurs portes. Celui du roman d'aventures, ou à péripéties. Certaines scènes, épiques, ont toutes leur place dans un ouvrage rocambolesque, comme la descente des loups dans le supermarché où ils laissent le bâtiment dans un état plus que déplorable. Celui du roman d'anticipation, avec les mélanges des gènes entre humains et animaux - loup mais aussi serpent ou loutre -. Celui de la dénonciation politique avec la description d'un monde où tout a été acheté par les grands groupes industriels, même le vivant. Le roman s'ouvre d'ailleurs sur une intrigante scène de pêche à la baleine. Mais aussi la dénonciation de la surveillance à outrance, avec la boîte de protection dirigée par les frères Eichmann.

Ces trois éléments sont assez habilement mêlés par Thomas Gunzig. Pourtant, il manque à ce roman un rythme plus haletant, plus resserré. Certaines parties de l'ouvrage traînent parfois en longueur, comme l'arrivée de Marianne, la compagne de Jean-Jean, dans l'appartement des loups. De même, certains personnages sont assez anecdotiques, comme le père de Jean-Jean, fou des jeux vidéos. Le roman aurait gagné en intensité à être un peu élagué, car la lecture, au départ nerveuse, est vite diluée dans des détails pas toujours primordiaux.

Autre roman de l'auteur : Kuru  

Yohan

Extrait :

Et ça, que le contact avec Marianne lui faisait penser à celui d'avec un serpent, c'était sans doute normal d'ailleurs, vu le modèle de Marianne : l'entrée de gamme Hewlett-Packard, connu pour sa résistance aux maladies, pour son calme, pour sa fiabilité générale. Tout ça obtenu en saupoudrant délicatement les chaînes ADN avec du code de mamba vert dont la production naturelle de neurotoxine était une garantie contre une palette de maladies dégénératives du système nerveux : maladie de Creutzfeld-Jacob, chorée de Huntington, la sclérose en plaques, les maladies lysosomales, la maladie de Parkinson et surtout la maladie d'Alzheimer. Dans l'histoire familiale des parents choisissant l'upgrade Hewlett-Packard pour leurs filles, on trouvait souvent le souvenir d'une grand-mère ou d'une arrière grand-mère ayant terminé sa vie dans les soubresauts d'une dissolution des neurones lui faisant confondre le bouquet de fleurs apporté à l'hôpital avec un petit cheval de bois remonté du fond de sa mémoire.

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Manuel de survie à l'usage des incapables de Thomas Gunzig- Éditions Au diable vauvert- 408 pages