Les hommes ont peuplé la terre, installé des villes, des frontières, et commencé à faire ce qu'ils font le mieux : la guerre.
Au cœur des intrigues plusieurs destins se croisent et se mêlent.
Il y a d'abord Marcus, ce général déchu, brisé par la mort de sa femme et de sa fille. Puis Cithrin, orpheline, pupille de la banque médéanne, surdouée de la finance et contrebandière involontaire. Il y a aussi Geder Palliako, jeune nobliau perdu dans un rôle trop grand pour lui. Amoureux de la langue et des arts, il essaye de rester un homme de réflexion au milieu des quolibets des soldats. Et puis il y en a d'autres, amis ou ennemis, intriguant sans relâche dans un jeu de pouvoir pour la domination d'une ville, d'une région, du monde.

Daniel Hanover est l'un des pseudonymes de l'auteur Daniel Abraham, connu aux Etats-Unis pour son œuvre foisonnante comme novelliste et romancier de Science-Fiction et Fantasy.

Avec ce premier volume d'une série annoncée en cinq tomes, il propose un univers de fantasy complexe, aux multiples races et espèces mais où l'humanoïde reste dominant.
Il permet au lecteur d'aborder son monde riche et vaste par le biais de ses acteurs, les différents personnages qu'il met en avant et dont le destin va influer sur celle de l'univers entier. Qu'il s'agisse de Marcus, Cithrin ou Geder, chacun va, à son niveau, agir, provoquant ainsi de multiples réactions en chaînes mettant en danger l'équilibre des forces et favorisant ainsi "La Voie du Dragon". La voie de la guerre et de la destruction.

Nous avons donc un panel de treize races humanoïdes, présentant de grosses différences physiques, vivant et commerçant les unes avec les autres. Mais une telle diversité n'exclut pas le racisme que l'on voit exacerbé chez certains, une bonne dose de raillerie, de l'indifférence et beaucoup d'animosité. En bref, peu importe l'espèce et l'époque, un être humain reste un être humain, toujours soumis aux plus bas instincts de l'espèce, méprisant son frère et écrasant ses parents pour tenter d'avoir sa place au soleil. Heureusement, l'auteur sait nuancer son univers, et les personnages qu'il suit, même pourvus de faiblesses, ne sont pas détestables pour autant. Quelques uns sont même auréolés d'un certain mystère qui fait que la suite mérite d'être lue.
Je n'ai pu m'empêcher, à la lecture, de faire le parallèle de cet univers avec les mondes évoqués dans la saga du jeu vidéo The Elder Scrolls. Le mélange d'espèce humanoïdes, l'atmosphère, l'ambiance de cours et l'évocation des dragons. Tout contribue à y voir plus qu'un clin d’œil. Mais rien ne permet de le confirmer.

Hanover a une écriture prenante. Il vampirise l'attention du lecteur avec des phrases relativement courtes, un rythme soutenu sans être trop rapide, peu d'action en soi, mais beaucoup d'événements jalonnant l'histoire qui permettent au lecteur d'avoir des repères et de se ménager des pauses entre deux. Les chapitres alternent entre chaque personnage, hormis un chapitre clé au suspense intense où Geder, Marcus et Cithrin se croisent. Le reste est fantasy classique et demande à être développé dans la suite de l'histoire. Vu le talent de l'auteur et le fait qu'il reste encore quatre volumes à paraître, nul doute que nous ayons encore quelques surprises avant la fin.

Nous avons donc ici un premier roman qui pose particulièrement bien le décor, une intrigue complexe qui se met en place, des personnages attachants et agréables qui ne demandent qu'à être suivis et un univers qui ne demande qu'à être développé. Qu'attendons-nous encore ? La suite, tout simplement.

Info: un entretien avec l'auteur a été retranscrit sur le site Elbakin.net, pour ceux qui veulent en savoir plus sur son univers.

Cœur de chene

Extrait :

La Yemmue siffla — un exploit impressionnant étant donné ses défenses — et frappa dans ses mains pour feindre l'admiration.
— De la grande philosophie de la part de mon ouvrier, dit-elle. La prochaine fois, je te verrais en train de prêcher et tu demanderas une dîme.
— Ce n'est pas pour moi, répondit-il en riant avec elle.
Elle aspira bruyamment une longue gorgée de ragoût. Le feu crépita. Un bruit — des rats, peut-être, ou des insectes — se fit entendre dans le chaume.
— Tu t'es fâché avec une femme, n'est-ce pas ? demanda-t-elle.
— Une déesse, précisa-t-il.
— Ouais. On dit toujours ça, hein ? fit-elle, le regard rivé sur les flammes. Certains nouveaux amours donnent l'impression qu'ils sont différents. Comme si Dieu lui-même parlait à chaque fois que leurs lèvres bougent. Et alors...
Elle renifla à nouveau, en partie amusée, en partie amère.
— Et qu'est-ce qui a mal tourné avec ta déesse ? demanda-t-elle.
L'apostat porta un petit morceau de quelque chose qui était peut-être une pomme de terre à sa bouche, mâchonna la chair tendre, la peau terreuse. Il lutta pour trouver ses mots. Il n'avait jamais exprimé ces pensées à haute voix. Sa voix tremblait.
— Elle va dévorer le monde.

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La Voie du Dragon de Daniel Hanover - Éditions Fleuve Noir - 448 pages