C'est en effet le thème un peu récurrent de toutes ces intrigues. Les personnages semblent constamment en quête, qui d'un mari trop tôt disparu, qui d'un paysage, qui d'un futur joyeux après le départ de son mari. Mais cet idéal n'est qu'un rêve que chacun essaie d'entretenir mais qui disparaît lentement.

Toutes les nouvelles du recueil ne m'ont pas convaincu, certaines notamment par une facilité dans l'intrigue qui m'a paru cousu de fil blanc. Il y a néanmoins quelques textes qui ont retenu mon attention, et je vais donc parler de ces derniers.

Dans La villa Raffaella, un jeune couple échange son appartement parisien contre une maison située sur les rives du lac de Côme, en Italie. Alors qu'il n'a jamais rencontré Raffaella, la propriétaire, l'homme du couple ne peut s'empêcher d'éprouver une attirance irrésistible pour cette femme. Et ce d'autant plus que des enfants du voisinage ne cessent d'en parler. Si tout cela reste platonique, cette nouvelle a retenu mon attention par sa force évocatrice, cet amour pour un être fantasmé qui sera la cause d'un petit drame personnel.

Le marégraphe est l'occasion d'une plongée dans un passé disparu. C'est par une aquarelle achetée chez un marchand de tableau que l'héroïne retrouve les sensations de son enfance, quand elle jouait autour du marégraphe, ce bâtiment qui permettait de mesurer l'altitude zéro.

Coup de théâtre est une autre nouvelle assez intéressante, bien que de facture classique. Une femme, quittée par son mari le 31 décembre, erre dans les rues de Paris. Elle décide, sur un coup de tête, d'acheter un billet de théâtre pour oublier cette rupture. Après des hésitations, elle se rend au spectacle. Elle est intriguée par le spectateur derrière elle, qu'elle sent présent, mais qu'elle ne voit pas (il est arrivé en retard et sort avant l'entracte). Une intrigue très joliment amenée, sans esbroufe.

Alors, tout n'est pas homogène. Certaines nouvelles, comme Le moulin à remonter le temps, sont frustrantes. On sent en effet que l'auteur tient une idée intéressante, mais qu'elle n'explore pas assez le sujet. Pour cette nouvelle, qui prend une dimension fantastique, j'ai eu l'impression que Corinne Angeli ne s'était pas permis d'aller au bout de son idée.

Yohan

Extrait, tiré de Le moulin à remonter le temps

D'où venaient ces enfants ? Pourquoi les avait-on habillés ainsi ? Un mauvais pressentiment le saisit. Non, il ne rêvait pas, mais ce qui lui arrivait était bien plus grave ! Que n'y avait-il songé plus tôt ? Ce moulin, il le reconnaissait, il se trouvait exactement au même endroit que l'année dernière... sauf qu'à l'époque, il ne s'agissait que d'une tour à demi écroulée. L'orage sans pluie, le piano au clair de lune, le moulin flambant neuf, tout cela ne lui disait rien que vaille. Non, décidément, tout ça ne semblait pas très normal. Une idée folle lui traversa l'esprit. Bien sûr, au premier abord, elle paraissait complètement irrationnelle... et pourtant, il n'y avait pas de doute possible. Il venait de se faire happer par une machine à remonter le temps, qui l'avait renvoyé en plein cœur du XIXe siècle !

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La ballade de la jeune fille triste de Corinne Angeli - Éditions Anfortas - 154 pages